FORTERESSE DE FOUGÈRES
GARDIENNE DE BRETAGNE
Treize tours, trois enceintes, une superficie de deux hectares. Le château de Fougères est tout simplement l’un des plus grands d’europe ! Prise et reprise jusqu’au rattachement de la Bretagne à la France, cette marche (c’est ainsi que l’on nommait les forteresses gardant la frontière du duché) demeure dans un état de conservation remarquable.
Il n’y a pas d’extérieur plus beau,
j’en suis certain » , s’était exclamé l’aventurier britannique Lawrence d’arabie lorsqu’il découvrit, en 1907, le château
de Fougères. Impossible pour le visiteur, aujourd’hui encore, de ne pas rester béat devant ce colosse de granit et de schiste, qui s’étire spectaculairement sur deux hectares. À l’origine, au xie siècle, le château n’est qu’un simple donjon en bois juché sur un roc surplombant les marécages et un méandre du Nançon. Avec Vitré et Châteaubriant, Fougères fait partie des marches de Bretagne, ces forteresses implantées aux portes du duché pour le protéger des invasions. Au xiie siècle, Raoul II, seigneur de Fougères, mène la révolte contre la prise en main du duché par Henri II Plantagenêt. Le roi d’angleterre réplique immédiatement en incendiant la forte- resse en 1166. Qu’importe, Raoul la fait reconstruire, en pierre cette fois. À l’orée du duché de Bretagne, la forteresse joua un rôle stratégique de premier plan. Pris et repris par les Français ou les Anglais, tour à tour sentinelle gardant le duché ou avantposte pour le conquérir, le château, progressivement reconstruit entre le
xiie et le xve siècle, fut maintes fois attaqué… mais il est dans un état de conservation remarquable. « Même pendant la Seconde Guerre mondiale, il a échappé de justesse aux bombardements ! » , s’étonne Estelle Girault, responsable du patrimoine à la mairie.
LA TOUR MÉLUSINE, NEC PLUS ULTRA DE L’ARCHITECTURE DU XIIIE SIÈCLE
« Avec ses trois enceintes successives bien sauvegardées, la multiplication des enveloppes, Fougères offre aujourd’hui une représentation parfaite de la stratégie du
repli progressif, de la défense passive » , poursuit-elle. À l’entrée de la première enceinte, c’est l’avancée, défense de la défense en quelque sorte, qui protège le château avec une double herse et les tours de La Haye-saintHilaire, du Hallay et Guémadeuc, dotées d’archères pour riposter face à l’ennemi. Puis, une fois passée la tour de Coëtlogon, nous voici dans la vaste basse- cour : c’était le lieu de la vie quotidienne qui s’organisait autour du seigneur – des fouilles ont permis de mettre au jour un logis et une chapelle –, mais aussi une zone de repli pour la population en période d’insécurité. Enfin, sur le point le plus élevé (le plus inaccessible), la troisième enceinte était le dernier « réduit » du seigneur en cas de siège. On y découvre les vestiges du donjon primitif et surtout les monumentales tours du Gobelin (fin
xiie) et de Mélusine (fin xiiie). Cette dernière, construite à l’époque où le château était la propriété de la puissante et riche famille Lusignan, est excep- tionnelle : de trente mètres de haut, elle est cylindrique, dotée d’archères, d’une plate-forme pour les vigies à son sommet, mais aussi de latrines et de belles cheminées de granit ! « Le nec plus ultra à l’époque ! La légende
laisse entendre qu’elle aurait servi de donjon, mais il est plus probable qu’elle fut réserve d’armes et de nourriture. Des murs de 3,50 mètres d’épaisseur, ça aide à conserver les aliments au frais ! » , nous dit Estelle Girault. 1488, LES TROUPES DU ROI DE FRANCE SOUMETTENT LES BRETONS De cette tour, on domine l’enceinte, mais aussi la ville basse médiévale et la ville haute qui s’est développée plus tard… et surplombe la forteresse. Longez le chemin de ronde et découvrez les tours Surienne et Raoul. En forme de fer à cheval, ce sont les dernières qui ont été élevées (au xve siècle) et s’adaptent à l’arme à feu avec des emplacements pour tirer au canon. Et ses murs font sept mètres d’épaisseur ! Le duc François II de Bretagne les avait fait construire en prévision de l’inévitable lutte avec la France… qui se produira en 1488 : les troupes du roi du Charles VIII et du duché de Bretagne s’affrontent lors de la tragique bataille de Saint-aubin-du-cormier, à deux pas de Fougères… Le château est rapidement pris. Les troupes bretonnes sont écrasées. À l’issue de la défaite, le duc de Bretagne, par le traité du Verger, assure qu’anne, son héritière, ne se mariera pas sans l’accord du roi (c’est lui qui l’épousera)… C’est le début de la fin de l’indépendance de la Bretagne – achevée en 1532. Fougères perd alors son importance stratégique. Le château appartient à la ville depuis la fin du xixe siècle.
LONGEZ LE CHEMIN DE RONDE ET DÉCOUVREZ LES TOURS SURIENNE ET RAOUL. EN FORME DE FER À CHEVAL, CE SONT LES DERNIÈRES QUI ONT ÉTÉ ÉLEVÉES