DOURDAN
LE PARFAIT STYLE « PHILIPPIEN »
Quand il fait élever, vers 1220, un nouveau château dans la ville royale de Dourdan, destiné notamment à défendre Paris, le roi de France Philippe Auguste est à la fin de son règne. Il en est aussi à son apogée, après la victorieuse bataille de Bouvines (1214) : il a étendu la souveraineté capétienne, renforcé l’autorité royale et jouit d’une assez grande popularité. Ce château fort de Dourdan constitue ainsi probablement l’exemple le plus achevé qui nous soit parvenu des châteaux dits « philippiens »…
LE TRIOMPHE DE LA GÉOMÉTRIE Il est bâti totalement en pierre, sur un plan quadrangulaire, flanqué de tours arrondies et entouré de larges fossés. Il dispose d’un puissant donjon circulaire qui, nouveauté, n’est plus érigé au coeur de l’enceinte. Le château philippien marque une rupture importante dans l’art castral : pour la première fois, un modèle régulier et géométrique s’impose, véritable marque de puissance et d’ordre renvoyé par le pouvoir royal. Falaise, Rouen… Ces édifices se développent un peu partout dans le royaume aux alentours de 1200, construits sur le plan du château du Louvre, édifié à partir de 1190 – on peut en voir aujourd’hui les vestiges dans la crypte archéologique du musée. Il est également novateur, car, face à l’évolution des machines de jets, le château s’adapte concrètement à la défense active. La preuve à Dourdan. Haut de vingt-six mètres, le donjon, sur trois niveaux, prend la place de l’une des tours d’angle pour pouvoir jouer un rôle dans la contre-attaque. Il n’est plus le lieu de
vie du seigneur (qui habite dans un logis à l’intérieur de l’enceinte), mais devient un poste de commandement en cas de siège. Les archères sont plus nombreuses et apparaissent les hourds, ces galeries de bois précurseurs du mâchicoulis, qui permettent à travers des trous de lancer des projectiles au pied de la forteresse. Plus de pont fixe, détrôné par le pont-levis.
S’ÉCLIPSER POUR MIEUX SURPRENDRE Quant à la porte d’entrée, encadrée par deux tours et défendue par une herse et un assommoir, elle devient à elle seule un véritable ouvrage défensif ! Voyez aussi les poternes, ces minuscules portes insé- rées à la base des tours pour permettre de sortir en toute discrétion en vue d’une contre-attaque… Ce modèle peu volumineux, adaptable dans n’importe quelle géographie, est si efficace qu’il est adopté jusqu’à la fin du Moyen Âge – voir les châteaux d’angers ou la tour de Constance à Aigues-mortes. Il s’exporte même : son influence est notamment visible au Proche-orient avec le krak des chevaliers (Syrie), dans les constructions des chevaliers teutoniques en Europe de l’est ou encore dans celles du roi d’angleterre Édouard Ier au pays de Galles. Bien que remanié dans un style plus gothique par Jean de Berry, frère de Charles V, puis en partie dévasté par les Anglais au xve siècle, le château de Dourdan est probablement l’un des exemples les mieux conservés. Il a été mis en valeur au xixe siècle par l’historien Joseph Guyot puis par la ville, qui en est aujourd’hui le propriétaire et l’ouvre aux visiteurs. |
DE LA PLATE-FORME DU DONJON, VUE SUR LES VESTIGES DE LA VIEILLE FORÊT D’YVELINE