VINCENNES UNE CITÉ FÉODALE IDÉALE
Ce n’était à l’origine qu’un simple pavillon édifié par Louis VII au milieu de la forêt. Charles V en fera au xive siècle cette incroyable résidence royale où se conjuguent art militaire et raffinement. À mi-chemin entre le château fort et le palais, la
En passant sous la tourporche qui permet l’accès au château de Vincennes, on retient son souffle… Estce l’intimidation devant le plus haut donjon d’europe ? Ou peut-être est-ce cette sensation, comme à Versailles, d’entrer dans un des lieux majeurs de l’histoire de France… C’est à partir du xiie siècle que les souverains capétiens sont atti- rés par les forêts giboyeuses à l’est de la capitale. Un pavillon de chasse y est édifié par Louis VII, fréquenté par Philippe Auguste puis Saint Louis. En 1361, le roi Jean II le Bon entame la construction d’un donjon ; son fils Charles V transformera l’endroit en une véritable résidence royale, l’une des plus vastes d’europe, pur chef-d’oeuvre d’architecture médiévale. Il faut dire que, lorsque Charles devient régent, le royaume de France est au bord du gouffre. En 1356, son père est fait prisonnier à Poitiers par les Anglais, dix ans après la défaite de Crécy. Les hommes d’édouard III ont atteint par deux fois les portes de la capitale… Et c’est sans compter la révolte des marchands parisiens emmenée par le prévôt Étienne Marcel en 1357-1358 et, simultanément, la Grande Jacquerie…
LE DONJON : CHÂTEAU DANS LE CHÂTEAU Sacré en 1364 après la mort de son père, Charles V réalise l’urgence de défendre Paris en édifiant une puissante forteresse à son entrée… Il s’en-
RAYMOND DU TEMPLE, « MAÎTRE DES OEUVRES DU ROI », A CARTE BLANCHE POUR INNOVER…
toure donc de maîtres d’oeuvre parmi lesquels Raymond du Temple, brillant architecte ou plutôt « maître maçon du roi » qui a participé, entre autres, à des aménagements de Notre-dame de Paris ou du château du Louvre. À Vincennes, un chantier immense, moderne – et très coûteux – se met en place. En quelques années, le châ-
teau est protégé d’une grande enceinte rectangulaire de plus d’un kilomètre de long, défendue par neuf tours de quarante mètres de hauteur… Une forteresse imprenable aux dimensions proches de celles d’une cité ! Mais le chef-d’oeuvre de Vincennes, c’est son donjon – cinquante mètres de hauteur ! – d’une puissance et d’une élégance incomparables. Édifié en très peu de temps (entre 1361 et 1369), c’est presque un château à l’intérieur du château : cette massive tour carrée flanquée de quatre tourelles est ellemême entourée d’une enceinte avec un châtelet qui en garde l’entrée (de sa terrasse, ne manquez pas la vue d’ensemble). Une spectaculaire restauration achevée en 2006, menée après neuf années d’études, a permis de mettre en valeur la décoration luxueuse de cette tour maîtresse. Il faut pénétrer à l’intérieur pour découvrir, sur six niveaux, les traces de son raffinement. Dans la chambre du roi, on y admire une cheminée monumentale, marque du confort, et des traces de motifs peints sur les nervures des voûtes (des fleurs de lis sur fond bleu) ; dans la grande salle du conseil, au premier étage, les voûtes sont lambrissées avec du bois venant, selon les analyses, des chênes de la Baltique.
À L’INTÉRIEUR, LE DÉCORUM N’EST QUE LUXE ET SURENCHÈRE On y découvre aussi un remarquable décor taillé sur certaines consoles et clés de voûte – les rares sculptures qu’il subsiste de cette époque… Une majesté qui n’a probablement jamais été égalée au Moyen Âge ! Comment résumer Vincennes ? « C’est en quelque sorte la première forteresse à affirmer vraiment la puissance d’une monarchie. Et cette volonté d’en faire une capitale politique en fait presque l’expression de l’état moderne » , explique Jenny Lebard, administratrice du lieu. Chez Charles V, l’architecture est un moyen de renforcer son image et de restaurer l’autorité royale – ce qu’il réussit d’ailleurs au cours de son règne. Vincennes, mais aussi les chantiers sur le château du Louvre ou la construction de la Bastille comme entrée de la nouvelle enceinte de Paris : avant même Louis XIV et son incroyable palais de Versailles, le souverain réalise l’immense « pouvoir » de la pierre. |
LA CITADELLE CAPÉTIENNE AFFIRME SA VOLONTÉ DE PUISSANCE