JE ME SOUVIENS…
Les familiers de Télérama, Libération, Les Inrockuptibles ou Le Monde connaissent les portraits (d’écrivains notamment) et reportages photographiques de Franck Courtès. Si, entend-on parfois, une image peut valoir 100 ou 1 000 mots, ce sont ces derniers que l’homme d’images a choisis pour assouvir ses envies de littérature. Après la publication en 2013 d’un très remarqué recueil de nouvelles, Autorisation de pratiquer la course à pied, suivi du roman Toute ressemblance avec le père, Sur une majeure partie de la France nous entraîne à quelques grandes enjambées de Paris, à Mortcerf exactement.
Le poète Paul Fort, qui y vécut une partie de sa vie, y rédigea un recueil de poèmes au titre homonyme : Mon petit jardin sur la terre est si joli que les étoiles viennent le regarder le soir. Situé près de Provins, ce modeste village, plantée dans une Brie encore très agricole est victime d’une « rurbanisation » galopante. Villages dortoirs, périphéries urbaines dépersonnalisées par d’immondes zones commerciales, nature grignotée par les lotissements pavillonnaires… Mortcerf, donc. Deux gosses qu’a priori tout sépare y grandissent. Quentin, fils de garde-chasse, a fait d’un château en ruine son royaume ; Gary, privé de son père, inquiète déjà par sa sauvagerie et son agressivité. Leurs routes se croisent à l’adolescence autour d’une jeune fille, Anne, dont s’éprend Quentin. Mais Gary s’enfonce dans la violence et l’orage gronde sur une majeure partie de la France. Dans une prose au style fluide, l’auteur fouille dans les failles de nos vies en retraçant l’histoire d’une dépossession, celle des ruraux sur leur terre, celle d’un paradis à la beauté défunte, celle d’une jeunesse aux rêves envolés.