LA BRETAGNE À LA GODILLE
« La péninsule armoricaine, variée dans ses climats, l’est aussi dans les sentiments qu’elle inspire. Deux clans parfois rivaux : adorateurs extatiques, Parisiens celtisés, jusqu’aux os ; ennemis jurés, la plupart méridionaux, pour qui la lumière du soleil est l’oeuvre du seul mare nostrum et le mot Bretagne un toponyme joyeux comme un parapluie. » Choisi ton camp, camarade ! Si tu n’aimes pas l’armorique celtique, passe vite ton chemin, semble nous dire avec un provocant piquant l’écrivain – forcément breton – Yann Queffélec.
Liberté ? Elle claque telle une étreinte, plus bourrade virile que caresse, quand juché « penn-ar-bed » (littéralement à « la tête du monde ») du côté de la pointe Saint-mathieu face à la chaussée des Pierres Noires, vous sentez le Vieux Continent vous pousser aux fesses vers les Amériques. Car songez que c’est bien de Brest que les Bougainville ou La Pérouse larguèrent les aussières de leurs fringantes flûtes et frégates pour de lointaines terres inconnues.
Comme le temps, celui de la météo qui parfois vous fait enrager en changeant de saison au moins quatre fois par jour (du coup, en improvisant vos balades, vous renforcez encore votre sensation de liberté, vous n’y échapperez pas), l’atmosphère paysagère tourne le dos à la monotonie. Juste avant le panorama sur le raz de Sein blanchissant sous le train de houle, la presqu’île de Crozon aura eu le culot de se parer de couleurs et même des senteurs méditerranéennes : eaux transparentes et turquoise, criques de sable blond, landes odoriférantes.
À l’extrémité de la Bigoudénie, « avel » (le vent), « lavagnon » (la houle) et « holen » (le sel) ont façonné des marins d’une sacrée trempe. À Saint-gué’, Le Guil’, Lesconil…, un écheveau de ports et leurs flottilles de chalutiers, caseyeurs, bolincheurs sont en partance. Après un dernier regard au bienveillant phare d’eckmühl et une prière à la Vierge protectrice de Notre-dame-de-la-joie, les hommes embarquent pour des « marées de paradis ». Penmarc’h dans ton dos, « hale dessus, matelot » !
Alors, la Bretagne ? « C’est comme ça, dans la vie, il faut chercher, pour trouver le lieu où l’on puisse devenir soi-même. » Et c’est encore un Breton qui vous le dit, l’écrivain Jean-pierre Abraham. « Degemer mat ! » (Bienvenue !).