Detours en France

LE PAYS BIGOUDEN

DOMAINE DES MARINS-PÊCHEURS

-

DOMAINE DES MARINS-PÊCHEURS

Avec ses traditions vigoureuse­s, ce territoire se veut l’un des plus bretons de la région. Si Pontl’abbé en constitue l’épicentre culturel, c’est sur la côte que bat le pouls de ce pays, dans les ports du Guilvinec, de Saint-guénolé et de Loctudy. Malmenée, la pêche à la langoustin­e et à la sardine reste une activité constituti­ve de l’identité bigoudène, autant qu’un pilier de son économie.

Loctudy, 9 h 30 du matin : sortie des bureaux… Des mareyeurs se saluent et quittent la criée. L’un d’eux, en combinaiso­n et bottes blanches, fume sa première cigarette du matin, enfin tranquille, sur le trottoir du Café du Port, un lieu de discussion­s où le petit noir fume bien avant l’aube. Face à la criée, le damier noir et blanc de la tourelle des Perdrix garde l’entrée du bassin. Un passeur (le treizher, en breton) assure toujours la navette, en saison, sur le petit bras de mer séparant Loctudy de l’île-tudy, évoquant ces femmes qui l’empruntaie­nt jadis pour aller vendre le fruit de leur « pêche à pied » à Pont-l’abbé.

ENTRE SARDINES ET LANGOUSTIN­ES

Saint-guénolé, 19 heures. Au-delà du port survolé par des mouettes criardes, le vent de mer jette les embruns par-dessus la digue et couvre le bout des quais d’une brume humide et fraîche. Un grand-père à casquette et bleu de travail venu voir l’océan en pétard quitte les lieux sur son vélo. Il y a là trois bolincheur­s (sardiniers), que la météo n’effraie pas : le Lisanais, le Margritic et le Kan Ar Moor. L’heure du départ approche et François, mécano, arrive pour lancer le moteur du troisième bateau. « On part pour le coup du soir. S’il est raté, il n’y aura pas de deuxième chance. Car après, la sardine plonge », indique le jeune

marin. La houle attend ses aventurier­s de la nuit… La langoustin­e d’un côté (la fameuse « Demoiselle de Loctudy »), la sardine de l’autre, ont fait la réputation de Loctudy et de « Saint-gué », ces deux ports qui arment encore plusieurs bateaux et témoignent d’une filière de pêche historique.

GUILVINEC, PORT DE PÊCHE TRÈS ACTIF

Mais c’est au Guilvinec que le visiteur a le plus de chance d’éprouver cette effervesce­nce marine dont seuls les grands ports se parent. Question de taille, de nombre de bateaux, d’environnem­ent, de rituels, aussi. Voyez le chantier naval. En face du Guilvinec, à Lechiagat, il accueille les coques lourdes à fort tirant d’eau des chalutiers en réparation. Le Risten, Le Jusant, le Kalicoba, l’anfield Road… sont en cale sèche et une escouade d’artisans, peintres, soudeurs et mécanos s’affaire sur des échafaudag­es. À deux pas, la porte du bar Les Brisants est toujours ouverte. On y croise de vieux loups de mer prêts à raconter leurs histoires « d’avant », lorsque les marins passaient au comptoir remplir leur bouteille de rouge

avant de filer au large… La pêche au « Guilv’ » est un sacerdoce. Malgré la lente érosion des effectifs, il reste plus de 90 bateaux (chalutiers mais aussi quelques fileyeurs et caseyeurs) et environ 400 marins pour 2 000 emplois à terre liés de près ou de loin à l’activité.

À L’HEURE DE LA CRIÉE ÉLECTRONIQ­UE

Avec 19 000 tonnes de poissons pêchés par an, le port du Guilvinec occupe le troisième rang en France, derrière Boulogne-sur-mer et Lorient, mais demeure leader pour la pêche artisanale et la langoustin­e. C’est ce que l’on apprend en visitant Haliotika, la passionnan­te Cité de la Pêche qui a su faire des quais et de la criée un lieu pédagogiqu­e et de visite sans que cela gêne l’activité. Il faut absolument assister au retour des bateaux côtiers, lorsque vers 17 heures, ils déchargent leur cargaison de langoustin­es, raies, daurades, baudroies, roussettes, lieus, saint-pierre… pêchés à une trentaine de kilomètres au large. Sous le hangar au sol détrempé, tandis que des marins ramendent déjà les filets à l’arrière des chalutiers, les mareyeurs – ne parlons pas de mareyeuses, tant la gent masculine reste en position de force… – jaugent la marchandis­e, triée par taille et catégorie. La criée – électroniq­ue – est vite expédiée. Chaque lot part en moins de 2 secondes. L’activité bruisse aussi la nuit. Une partie des bateaux du Guilvinec sont des navires hauturiers. Positionné­s durant 10 à 14 jours en Atlantique nord ou en mer d’irlande, ils rentrent dès que les cales sont pleines et une petite armée de dockers trie chaque nuit le poisson débarqué. Il sera prêt pour la seconde criée, à 6 heures. 70 % des ventes du Guilvinec s’effectuent en France. Le port breton donne le tempo du prix pour chaque espèce de « frais » pêchée dans l’hexagone.

LE PHARE D’ECKMÜHL : 307 MARCHES

En direction de la pointe de Penmarc’h et de la baie d’audierne, les amoureux d’histoire et de paysages trouveront aussi un autre intérêt au Pays bigouden. À marée basse, il sera plaisant

d’observer la grève de Kérity et ses « annexes » échouées, face au bureau du port installé dans sa casemate du xviie siècle (Vauban est passé par là). À Saint-pierre, les plus vaillants graviront les 290 marches de l’escalier du phare d’eckmühl, créé en 1897 et automatisé en 2008 (il compte 307 marches, mais la lanterne n’est pas accessible au public). Au-delà de l’église à tour fortifiée de Penmarc’h et de la tour carrée de Saint-guénolé, ex-église du xve siècle détruite, l’itinéraire file au nord vers un Pays bigouden plus secret. De petites routes secondaire­s tranquille­s remontent le littoral jusqu’à Pors-poulhan, longeant des plages et des dunes, des étangs (Saint-vio, Kergalan…) et des marais, des chapelles et des calvaires (remarquabl­e ensemble de Tronoën), des paluds et de rares maisons à toits de chaume… Un pays vrai, à visiter absolument. ß

 ??  ?? Entre baudroie, lotte, merlan, daurade, cabillaud… parviendre­z-vous à reconnaîtr­e le poisson qui ouvre ainsi la gueule ? C’est la lotte… Haliotika propose plusieurs visites de la criée. Vous pourrez ainsi assister à la vente aux enchères électroniq­ues...
Entre baudroie, lotte, merlan, daurade, cabillaud… parviendre­z-vous à reconnaîtr­e le poisson qui ouvre ainsi la gueule ? C’est la lotte… Haliotika propose plusieurs visites de la criée. Vous pourrez ainsi assister à la vente aux enchères électroniq­ues...
 ??  ??
 ??  ?? Tout doit être prêt pour la criée de 6 heures, c’est-à-dire : trié, mis en caisses, pesé et disposé à terre.
Tout doit être prêt pour la criée de 6 heures, c’est-à-dire : trié, mis en caisses, pesé et disposé à terre.
 ??  ??
 ??  ?? Depuis la terrasse panoramiqu­e d’haliotika, La Cité de la Pêche du Guilvinec qui surplombe le port, des badauds assistent à l’arrivée des chalutiers côtiers.
Depuis la terrasse panoramiqu­e d’haliotika, La Cité de la Pêche du Guilvinec qui surplombe le port, des badauds assistent à l’arrivée des chalutiers côtiers.
 ??  ??
 ??  ?? À bord du chalutier Avel An Heol d’éric Pochat, les pêcheurs débarquent les langoustin­es sous le regard des flâneurs qui imaginent déjà leur repas du soir…
À bord du chalutier Avel An Heol d’éric Pochat, les pêcheurs débarquent les langoustin­es sous le regard des flâneurs qui imaginent déjà leur repas du soir…
 ??  ?? Au fond du port du Guilvinec, le pharesémap­hore veille. L’argonaute, amarré, est prêt à repartir en mer.
Au fond du port du Guilvinec, le pharesémap­hore veille. L’argonaute, amarré, est prêt à repartir en mer.
 ??  ?? Le chalutier Scilly quitte le port de Loctudy, lieu célèbre pour sa pêche aux langoustin­es, appelées les « Demoiselle­s de Loctudy ».
Le chalutier Scilly quitte le port de Loctudy, lieu célèbre pour sa pêche aux langoustin­es, appelées les « Demoiselle­s de Loctudy ».
 ??  ?? Le port du Guilvinec occupe la troisième place en France (en valeur et en tonnage) et est le leader de la pêche artisanale. Le chalutier de fond, le Buhez Ar Vro, passe devant le phare portuaire, construit en 1922 sur le môle.
Le port du Guilvinec occupe la troisième place en France (en valeur et en tonnage) et est le leader de la pêche artisanale. Le chalutier de fond, le Buhez Ar Vro, passe devant le phare portuaire, construit en 1922 sur le môle.
 ??  ?? À la pointe de Penmarc’h, dans le port Saintpierr­e, trois génération­s de vigies des mers sont présentes. De gauche à droite : le phare d’eckmühl, le vieux phare, aujourd’hui Centre de découverte maritime et le sémaphore.
À la pointe de Penmarc’h, dans le port Saintpierr­e, trois génération­s de vigies des mers sont présentes. De gauche à droite : le phare d’eckmühl, le vieux phare, aujourd’hui Centre de découverte maritime et le sémaphore.

Newspapers in French

Newspapers from France