DE BÉNODET À QUIMPER
L’ODET À CONTRE-COURANT
De l’océan jusqu’à la ville, le fleuve serpente sur 18 kilomètres dans une nature sauvage insoupçonnée, émaillée de châteaux. Beaucoup le descendent en bateau. Nous l’avons remonté en kayak.
Pas de chance, ce jour là, la pluie est au rendez-vous. Une pluie fine, très bretonne, pénétrante. L’exercice s’annonce laborieux, d’autant que votre serviteur n’a pas manié la rame depuis longtemps. Mouillés avant même d’être sur l’eau, mon guide et moi – Georges Ragneaux, un as du club, plusieurs fois primé – quittons Bénodet et ses bateaux de plaisance. Jusqu’au pont de Cornouaille, l’intimité n’est pas de mise. Mais sitôt franchi l’arche routière, l’odet se livre tel qu’il est sans doute depuis des lustres : une ria encaissée entre des versants granitiques couverts de châtaigniers et de pins, quasiment vierge de présence humaine. Un univers étonnant de virginité pourtant si proche des stations balnéaires et des quartiers de Quimper.
LAGUNES AMAZONIENNES
Gauche, droite, gauche, droite, le rythme s’installe et les épaules retrouvent leur fluidité. À marée montante, la tâche est facilitée, le courant entraîne par endroits l’embarcation sans effort. En mer, des dauphins suivent les bateaux. Ici, les mulets bondissent comme des carpes dans l’onde ascendante. Des aigrettes garzettes survolent placidement le fleuve, habituées à ces agitations. L’odet n’est pas un fleuve linéaire. Il divague parfois en anses et porz dont les plus profonds forment de courts affluents. Porz Gwen, porz Keraign, porz Meilhou, anses de Toulven et de Saint-cadou… il est possible de s’enfoncer dans ces bras qui ressemblent à de minuscules lagunes amazoniennes. Même en plein été, le silence règne.
CHÂTEAUX ET GRANDES FAMILLES
La commune forestière de Gouesnac’h avalée sur la droite, l’odet se resserre et forme les Virecourt, méandres étroits tracés entre des falaises verdoyantes. Il est facile de comprendre que la
navigation des vapeurs vers Quimper n’était pas aisée, les marées seules pouvant « tirer » le chaland jusqu’en ville. C’est dans ce court labyrinthe que se dressent sur les versants de nobles demeures et leurs parcs. Châteaux de Lanhuron, de Kerouzien, de Perennou, de Rossulien et de Kerambleiz (le plus majestueux)… tous ont été édifiés par de grandes familles quimpéroises et servent aux beaux jours de cadre à des mariages et des réceptions. C’est aussi dans les parages, près de l’eau, qu’éric Tabarly avait élu domicile, dans une maison cachée sous le couvert forestier.
UNE ARRIVÉE SPORTIVE
La force du fleuve faiblit soudain à l’entrée de la baie de Kerogan, plan d’eau évasé qui annonce Quimper. Une épave sert de cap, il faut tirer sur les bras pour la rejoindre. Passé le port marchand du Corniguel, voici enfin les faubourgs de Quimper, le quartier de Penhars, celui de Locmaria. La récompense arrive avec la vision détachée des flèches de la cathédrale Saint-corentin. Du bord de mer au coeur de ville, nous n’avons pas boudé notre plaisir ! ß