Detours en France

PONT-AVEN ET LE BÉLON

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À FLEUR D’EAU ET DE LUMIÈRE

L’armada de peintres installés à Pont-aven à la fin du xixe siècle a rendu célèbre ce fond de ria, formidable­ment interprété sur les toiles de Paul Gauguin, inventeur ici du synthétism­e. Si les groupes se pressent à raison dans cette belle cité, ils sont moins nombreux à investigue­r les replis de la côte, sertie de manoirs, de ports, de plages et de moulins cachés. Un véritable bonheur de Bretagne maritime, préservée et familiale.

Comment un territoire aussi connu peut-il être encore aussi secret ? C’est le paradoxe qu’on peut soulever après avoir parcouru le pays de l’aven et du Bélon. Certes, il y a Pont-aven, le village mythique, terre de peintres si notoire qu’elle attire jusqu’à des groupes de touristes japonais. En dehors du village, les bords de rias et de mer se transforme­nt très vite en sites intimistes. Le temps semble ici suspendu et a dessiné un paysage à mailles serrées, des bras de rias ramifiés, avec des moulins en fond de vallons, des chapelles perdues dans une végétation touffue et des hameaux de chaumières comme il n’en existe pas ailleurs… Nous sommes au royaume de la campagne à la mer, des champs cultivés à un jet de pierre du sable blond, des cabines de plage façon années 1920.

PONT-AVEN, SUR LE MOTIF

La foule est dense, comme si chacun tenait absolument à tout voir et photograph­ier. Le village vaut pour son site, splendide fond de ria au bord de laquelle s’alignent d’anciens moulins et de vénérables maisons de granit. On rappelle l’histoire : en 1865, un peintre américain, Robert Wylie, découvre le coin et entraîne à sa suite plusieurs coreligion­naires. Tous sont séduits par le charme et l’animation du lieu. Pont-aven est un port, les bateaux remontent depuis l’océan mais comme il faut attendre les marées pour repartir, des pensions hébergent les marins. Les soirées sont colorées, les habitants parlent français, les prix sont raisonnabl­es. Que demander de plus ? C’est dans ce contexte qu’une centaine de peintres se retrouve à Pont-aven, peignant sur le motif des scènes villageois­es ou naturelles, des portraits. Les tenants d’un style académique, ou réaliste, dits les Américains, dorment à l’hôtel des Voyageurs. Les impression­nistes séjournent, eux, à la pension puis à l’hôtel Gloanec. C’est là que descendra à plusieurs reprises Paul Gauguin, entre 1886 et 1890. Il s’y lie avec Émile Bernard et Paul Sérusier et crée un nouveau courant, le synthétism­e. Cette aventure d’une trentaine d’années transpire au fil des ruelles très commerçant­es de Pont-aven, le long du fleuve et

Pont-aven est un port, les bateaux remontent depuis l’océan, mais comme il faut attendre les marées pour repartir, des pensions hébergent les marins. Les soirées sont colorées, les prix sont raisonnabl­es. Que demander de plus ?

de ses rochers, face aux sites peints par Gauguin (comme le célèbre moulin David), à la Maison de la Presse (l’ex-pension Gloanec), dans le Bois d’amour où les artistes aimaient se retrouver, à la chapelle de Trémalo, aussi, splendide édifice au grand toit d’ardoise effleurant presque le sol, devenu culte après que Gauguin y a peint Le Christ jaune, interpréta­tion de la crucifixio­n en bois du xviie siècle accrochée dans la nef. L’aventure picturale est également rappelée, évidemment, dans la toute récente version du musée des Beaux-arts de Pont-aven.

AU-DELÀ DE LA SUPERFICIA­LITÉ

Moulin Édouard, sur les rives du Dourdu, un affluent du Bélon. Le contraste avec Pont-aven est saisissant. Un site de vallon apaisé, au bord d’une anse de la rivière et d’un petit barrage ; un ancien moulin de granit joliment transformé en maison avec jardin : silence et isolement sont rois. La tranquilli­té est appréciée par les marcheurs du GR34 qui suivent la dentelle de la côte. C’est ainsi au bord de la « fourchette » formée par les rias de l’aven et du Bélon : la nature a façonné des recoins pour ceux qui veulent dépasser la superficia­lité des choses. Les exemples d’authentici­té abondent : le moulin à marée du Hénan sur la rive droite de l’aven ; la vue rare et silencieus­e sur l’embouchure de l’aven et le manoir de Poulguin depuis la terrasse ostréicole de Laurent Publier (voir page suivante) ; la chapelle Notre-dame de Trémor, en beau granit, isolée sous les arbres en aval de Pont-aven et ancien lieu de dévotion des marins ; la quiétude des ports jumeaux de Bélon en début de soirée, voiliers à l’ancre et maisons face à face, de part et d’autre du chenal. Si encore les surprises se résumaient à cela ! Mais la commune de Névez en livre d’autres. La Bretagne n’est pas ici défigurée par ces cortèges de maisons bretonnant­es qui ailleurs polluent le paysage.

CHAUMIÈRES ET PIERRES LEVÉES

Névez préserve un habitat traditionn­el admirable que l’on découvre à Kerascoët et à Kercanic, deux hameaux aux véritables chaumières, anciennes maisons de pêcheurs et de tisserands fleuries d’hortensias. Ici et là, on trouve encore des pierres levées de granit en bordures de champs et même une trentaine d’anciennes maisons construite­s ainsi. Matériau arraché aux champs afin de pouvoir les cultiver, ces « menhirs » ont été utilisés sur place comme maçonnerie.

LES CABINES DE PORT-MANEC’H

« Calanque » de Rospico, plage de Tahiti : familiaux et intimes, ces bouts de côte attirent une clientèle discrète, fuyant les villégiatu­res bling-bling. Une image nous restera en mémoire, qui en dit long sur cette « Bretagne d’aujourd’hui avec des airs d’autrefois ». Il y en effet de « l’entre-deux-guerres » dans la vue qui depuis Port-manec’h et la rue de l’aven, bordée d’anciennes pensions pour peintres, embrasse la plage, ses cabines en planches immaculées et le manoir Dalmore, en pur granit. Allez fureter dans ces lieux depuis Pont-aven mais, chut ! Ne le dites à personne. ẞ

 ??  ?? La plage de Port-manec’h a deux facettes. À main droite, familiale, avec ses cabines joliment désuètes ; à main gauche, la voici sportive et pédagogue puisqu’occupée par les Optimists, catamarans, dériveurs de plusieurs écoles de voile.
La plage de Port-manec’h a deux facettes. À main droite, familiale, avec ses cabines joliment désuètes ; à main gauche, la voici sportive et pédagogue puisqu’occupée par les Optimists, catamarans, dériveurs de plusieurs écoles de voile.
 ??  ?? Rejoignant les plages de Raguenez et l’anse de Rospico, un petit détour s’impose pour voir les chaumières de Kérascoët.
Rejoignant les plages de Raguenez et l’anse de Rospico, un petit détour s’impose pour voir les chaumières de Kérascoët.
 ??  ?? Sur l’aven et le GR34®, le moulin à marée du Hénan (xve siècle) est un site d’une grande douceur, à admirer au couchant.
Sur l’aven et le GR34®, le moulin à marée du Hénan (xve siècle) est un site d’une grande douceur, à admirer au couchant.
 ??  ?? Sur le chemin de l’aven vers l’océan, vous verrez ce manoir dans l’anse de Poulguin.
Sur le chemin de l’aven vers l’océan, vous verrez ce manoir dans l’anse de Poulguin.
 ??  ?? Longeant l’aven, on parvient bientôt sur le port. Et quand les derniers commerces cèdent (galeries, biscuiteri­es et restaurant­s), commence la balade pour rejoindre l’océan par Kerdruc.
Longeant l’aven, on parvient bientôt sur le port. Et quand les derniers commerces cèdent (galeries, biscuiteri­es et restaurant­s), commence la balade pour rejoindre l’océan par Kerdruc.
 ??  ?? Le café du Centre met tout le monde d’accord, sa terrasse d’été ne désemplit pas. Habitants et touristes y font bon ménage.
Le café du Centre met tout le monde d’accord, sa terrasse d’été ne désemplit pas. Habitants et touristes y font bon ménage.
 ??  ?? Balade sur les chaos de l’aven, amenés par les colères du fleuve, dans le prolongeme­nt de la très jolie et fleurie promenade Xavier-grall.
Balade sur les chaos de l’aven, amenés par les colères du fleuve, dans le prolongeme­nt de la très jolie et fleurie promenade Xavier-grall.
 ??  ?? À Pont-aven, on ne compte plus les galeries. Elles sont une bonne vingtaine et rassasient tous les goûts, ou presque.
À Pont-aven, on ne compte plus les galeries. Elles sont une bonne vingtaine et rassasient tous les goûts, ou presque.
 ??  ?? Le port de Pont-aven s’apprécie (à droite) depuis le petit pontpasser­elle fleuri après la rue du Port, ou (à gauche) depuis la cale de la rue Augustebri­zeux, sur la berge moins fréquentée. Un paysage intimiste et changeant au fil des marées et de la...
Le port de Pont-aven s’apprécie (à droite) depuis le petit pontpasser­elle fleuri après la rue du Port, ou (à gauche) depuis la cale de la rue Augustebri­zeux, sur la berge moins fréquentée. Un paysage intimiste et changeant au fil des marées et de la...
 ??  ?? Dans le Bois d’amour, une chouette balade picturale entre bois et rivière.
Attention, coup de coeur. Sur les hauteurs de Pontaven, dans les pas de Gauguin, la chapelle de Trémalo (xive siècle) est une source inépuisabl­e d’apaisement et de contemplat­ion.
Dans le Bois d’amour, une chouette balade picturale entre bois et rivière. Attention, coup de coeur. Sur les hauteurs de Pontaven, dans les pas de Gauguin, la chapelle de Trémalo (xive siècle) est une source inépuisabl­e d’apaisement et de contemplat­ion.
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 ??  ?? Pont-aven, et son cours d’eau tellement bienveilla­nt qu’il a façonné la bonne fortune de la ville. Une quinzaine de moulins tournaient autrefois sur ses bras, et certains, s’ils ont perdu leur vocation, sont toujours posés au bord, voire sur l’eau....
Pont-aven, et son cours d’eau tellement bienveilla­nt qu’il a façonné la bonne fortune de la ville. Une quinzaine de moulins tournaient autrefois sur ses bras, et certains, s’ils ont perdu leur vocation, sont toujours posés au bord, voire sur l’eau....
 ??  ?? Sur la commune de Névez, la plage de Tahiti est la plus belle : du sable blanc et fin sur des kilomètres et des eaux turquoise. Côté végétation, rien de vraiment polynésien, mais le dépaysemen­t y est puissant. Et que dire de cette île de Raguenez,...
Sur la commune de Névez, la plage de Tahiti est la plus belle : du sable blanc et fin sur des kilomètres et des eaux turquoise. Côté végétation, rien de vraiment polynésien, mais le dépaysemen­t y est puissant. Et que dire de cette île de Raguenez,...
 ??  ?? L’anse de Rospico, longue et belle comme la surprise de la découvrir au détour du GR34®. Une étroite langue de sable où s’amuser pendant des heures, à jouer à saute-rochers, à faire des châteaux, à bronzer… ou souffler pendant la longue (et suberbe)...
L’anse de Rospico, longue et belle comme la surprise de la découvrir au détour du GR34®. Une étroite langue de sable où s’amuser pendant des heures, à jouer à saute-rochers, à faire des châteaux, à bronzer… ou souffler pendant la longue (et suberbe)...

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