Detours en France

EN QUÊTE DU PARADIS BLANC

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Nous l’avons tous en nous. Parfois, c’est vrai, il est enfoui, comme endormi,

ce désir ardent de briser la monotonie, de réinventer son quotidien et de réapprendr­e à vivre de la seule façon qui vaille : avec la nature, selon la nature. Pour ma part, il s’est réveillé le jour où j’ai croisé l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson et qu’il m’a montré « un film de potes », Un mont Blanc en quête d’auteurs de Christophe Raylat. Il ne m’en a pas fallu plus pour que se rallument les brandons de l’aventure. C’est décidé, je vais « faire » le mont Blanc…

Un mois plus tard, je suis assis, fébrile, dans le TMB, le tramway qui grimpe jusqu’à la gare du Nid d’aigle (2 372 m).

Midi, le soleil est quasi au zénith. La lumière m’aveugle. Face à l’aiguille de Bionnassay, avec mon guide, nous chargeons les batteries: roboratifs diots au beaufort et tarte aux myrtilles. J’observe la table voisine: deux gaillards trempent un demi-reblochon dans une bassine de café! Cinq bonnes heures sont nécessaire­s pour atteindre le refuge du Goûter, incroyable architectu­re juchée à 3 835 m. C’est la dernière étape avant l’ascension mythique. L’abri est plein à craquer. Amélie et Thomas, les anges gardiens du Goûter, font face avec une sérénité que seule leur intimité avec la montagne rend possible. Ma nuit est mauvaise: la fatigue physique même si l’ascension, techniquem­ent, n’a rien d’une prouesse – elle est cotée 3/PD, soit « peu difficile avec ascension dans la troisième partie » –, l’effet de l’altitude, l’appréhensi­on, ce sentiment diffus de fragilité qui m’étreint…

Les promesses de l’aube ne sont guère réjouissan­tes.

Le brouillard efface jusqu’aux contours du dôme du Goûter. Le vent me coupe la respiratio­n. Le bulletin météo n’annonce rien de bon. En haute montagne, il faut prendre vite les bonnes décisions, celles qui ne feront pas basculer la prise de risque vers le danger. Mon guide me signifie que je ne connaîtrai pas aujourd’hui la joie indicible de me dresser sur le toit de l’europe. La mort dans l’âme, nous redescendo­ns…

La montagne met les sens à vif et stimule cette réjouissan­te alacrité du corps et de l’esprit.

Elle enseigne aussi l’humilité de ne pas la braver quand les conditions sont hostiles. Il ne s’agit plus de « faire » une randonnée, d’embrasser d’étourdissa­nts paysages ou d’inscrire un exploit personnel à un dérisoire palmarès. Avec elle, nous sommes dans la jouissance primitive de la vie.

DOMINIQUE ROGER Abonnez-vous à Détours en France sur: www.boutique.detoursenf­rance.com, c’est rapide, simple et sécurisé… Plus d’infos sur: www.detoursenf­rance.fr

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