Detours en France

LES PROMESSES DE L’AUBE

- PAR DOMINIQUE ROGER RÉDACTEUR EN CHEF

Oh! En ce petit matin d’hiver, il n’était pas chaud pour me dire oui. Lui, le « vieux de la montagne », le solitaire capable de tenir les affûts les plus éprouvants, par des « moins quelque chose » qui font grelotter à leur simple énoncé, pourquoi s’encombrera­it-il d’un de ces curieux qui veut « monter au Jura » alors que la lune couronne encore le Crêt de la Neige. Lui, c’est Robert Hainard. Un redoutable chasseur, de la veine d’un Dersou Ouzala, qui aurait troqué les armes pour tuer contre des crayons et des pinceaux qui donnent la vie, cette vie de la nature sauvage, du peuple des forêts.

Graveur, sculpteur, naturalist­e et surtout philosophe, Robert Hainard écrivait: « Puisque notre civilisati­on doit inéluctabl­ement se dévorer elle-même après avoir tout dévoré, pourquoi ne pas prévoir, imaginer un peu? […] Car, sauver dans cinquante ans la dernière violette sous le dernier buisson, ou garder maintenant l’ours et le bison dans la forêt vierge, c’est au même prix ; une révolution profonde; seule la date change. » Ce « montagnon », qui a quitté définitive­ment son Jura en 1999 à l’âge de 93 ans, m’a révélé les monts du Jura, les forêts de Chaux, du Revermont, de Lomont. Les légendes bruissent encore avec vigueur au coeur de ce pays où la nature est un livre de géographie grandeur nature : amas de roches bleutés, plateaux creusés de gorges, cluses, résurgence­s chantantes, anticlinau­x, reculées, lacs bleu pâle miroirs des ciels, tourbières peuplées de droséras.

Ici, les saisons impriment leurs marques. À la saison froide, le Haut-jura – pays du Risoux, forêt du Massacre, Noirmont, val de Morez, la combe des Cives, le plateau de Grandvaux – se couvre de blanc et de silence. Le miniature bourg de Mouthe affole les météorolog­istes qui brandissen­t le spectre de températur­es sibérienne­s (les -30, -40 °C sont atteints)! Bref, « les hivers (sont) gravés d’un burin terribleme­nt mordant », comme le racontait l’écrivain Bernard Clavel. Les étés, eux, peuvent être brûlants. Le vignoble, d’arbois à Château-chalon, berceau du plus mystérieux des vins – le vin jaune – s’épanouit dans la chaleur des parois blanches des reculées. Si cette Comté peut se définir volontiers par ce qu’elle cache, le poète Jean-claude Pirotte y avait trouvé « le pays où vivre, loin des villes et des geôles de ce temps ».

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