CENTRE-VILLE : CINQUANTE NUANCES DE GRIS
Reconstruit après guerre, le centre du Havre témoigne de façon magistrale de tout le potentiel offert par le béton, quand il se met au service d’architectes créatifs.
Lorsqu’en 2005, Le Havre est inscrit au patrimoine mondial de l’unesco c’est un choc pour beaucoup, qui le voient gris, froid, laid. La ville jouit, en effet, d’une mauvaise image persistante. Le regard sur elle change soudainement quand des spécialistes la jugent remarquable, saluant un « exemple d’après-guerre exceptionnel de l’urbanisme et de l’architecture, basé sur l’unité de la méthodologie et sur le système de la préfabrication, l’utilisation systématique d’une trame à module et l’exploitation novatrice des potentiels du béton. » Un rappel des faits s’impose. Créé dans l’estuaire de la Seine par François Ier qui veut doter le royaume d’un grand port, Le Havre connaît les pires heures de son Histoire durant la Seconde Guerre mondiale. En septembre 1944, d’incessants bombardements alliés détruisent à 80 % la ville occupée par les Allemands, faisant 5 000 morts et 80 000 sinistrés. Le gouvernement français missionne Auguste Perret (1874-1954) pour reconstruire ce qui n’est plus qu’un vaste champ de ruines. En quelques années, l’architecte et ses équipes font sortir de terre, sur les 150 hectares ravagés, une ville nouvelle régie par la lumière et l’espace. Une trame orthogonale organise la cité en îlots réguliers. Les immeubles accueillent des appartements salubres et confortables. « Ce que je veux, c’est faire quelque chose de neuf et de durable. Puisque nous sommes à zéro, il faut en profiter pour partir sur des bases nouvelles qui permettront de faire face à l’avenir de grande ville et de