Le lac des Perches et la vue magistrale sur la chaîne des Alpes, si le temps le permet, attendent les marcheurs sur cet itinéraire entre les vallées de la Thur et de la Moselle.
Au coeur du Parc naturel des Ballons des Vosges, dans le sud du massif, une randonnée à travers la hêtraie-sapinière et les Hautes Chaumes nous fait franchir les crêtes et voyager de l’alsace à la Lorraine.
aux virages en épingle à cheveux, sous des frondaisons redevenues sauvages.
LE GRAND BALLON EN LIGNE DE MIRE
L’éclatante lumière dans la chaume du Gazon vert est une réjouissance au sortir de la forêt; la montée est courte mais intense. Pâturage vallonné et suspendu dans la montagne, Gazon vert occupe un ancien cirque glaciaire. Sa prairie invite au piquenique, à moins de préférer s’installer dans la bâtisse en pierre et en bois qui trône à l’extrémité Sud du site. La vieille ferme n’héberge plus de « marcaire », ce trayeur de vaches des estives, mais sert d’abri pour les randonneurs. Chaque semaine, bénévole pour la commune, Noël Sutter grimpe par tous les temps pour entretenir la maison et s’assurer que tout est en ordre. Ce jour-là, il est venu avec des amis accrocher des décorations de citrouilles pour marquer l’entrée dans l’automne. « Chaque saison est belle ici et le lever du soleil sur le Grand Ballon des Vosges, au loin, offre un moment de grâce », se réjouit l’ange gardien de la vieille ferme alors qu’il pointe le mont Chauve, abritant un observatoire. On distingue aussi les dernières maisons de Storckensohn dans le bas du vallon. Notre guide, lui, préfère attirer notre attention sur un bloc en grès rose, distinct des autres moellons de la bâtisse. Un « M » est ciselé dans la pierre. « Il fait référence à l’abbaye de Murbach, située au pied du Grand Ballon. Aux xie et xiie siècles, c’était l’une des plus puissantes du Saint Empire romain germanique. Elle possédait des terres dans plus de 300 localités dans la vallée du Rhin et autour, dont ici », explique Noël Sutter.
ATMOSPHÈRE ROMANESQUE
Après cette escale bucolique, nous poursuivons notre montée vers le col des Perches, 140 mètres plus haut. Le long du chemin, un ancien refuge rénové (l’auberge du Gazon vert) propose gîte et couvert à la belle saison. Bientôt, nous atteignons la crête à 1 071 mètres, point de bascule sur la vallée de la Seebach et, plus bas, celle de la Doller. Pour l’heure, nous nous engageons sur un sentier agrippé à mi-pente dans un amphithéâtre naturel, ancien cirque glaciaire. Le chemin est parfois taillé dans la roche, mélange de granit et de grauwacke. Des pierriers aux blocs acérés lardent par endroits l’épaisse forêt. « Seuls les érables sycomores et les sorbiers des oiseleurs se plaisent dans ces éboulis », éclaire Karine Jung. Une de ces ouvertures nous donne enfin à voir le lac des Perches en contrebas, disque vert scintillant au soleil. En cette fin septembre, les feuilles d’érables jaunies virevoltent dans l’air. À l’horizon, la chaîne déchiquetée et enneigée des Alpes aimante le regard. La promesse d’un nouveau paysage nous pousse à poursuivre notre chemin. Nous sortons bientôt de la forêt pour pénétrer sur la Haute Bers, vaste et plate chaume ourlée de bruyères et de myrtilliers au feuillage rougeoyant. « Le grand tétras, espèce emblématique du massif vosgien, aime ce type de milieu. Dans les grands myrtilliers, il peut se cacher des prédateurs, pondre ses oeufs et se nourrir. Malheureusement, cela fait longtemps qu’il n’y a plus de coqs de bruyère sur la Haute Bers. Moins d’une cinquantaine d’individus seraient encore présents dans le massif. Ils ont été victimes de la sylviculture et de l’absence de quiétude dans un espace de plus en plus fréquenté. » La lande, comme découpée dans la forêt, dessine une zone lumineuse, arrachée aux ténèbres des bois, qu’il nous faut pénétrer à nouveau pour rejoindre le lac. Le rocher du Corbeau, sorte d’éventail de granit dressé parmi les arbres, éveille notre attention, avant que les rives lacustres ne nous aspirent dans leur atmosphère romanesque. Pourtant, c’est un usage économique qui a présidé à la destinée du plan d’eau. D’origine glaciaire, il est rehaussé au xvie siècle, pour alimenter des forges puis une usine textile