Une immersion édifiante dans le passé industriel de la Lorraine, aux côtés d’anciens mineurs.
Près de Forbach, à la frontière avec l’allemagne, l’ancien site minier de Wendel accueille un passionnant musée et une fidèle reconstitution, à l’échelle 1, de ses entrailles charbonneuses exploitées jusqu’en 1985.
les années 1950, âge d’or de la mine, le site employait près de 5 000 personnes, dont 3500 sous terre. Sur l’ensemble du bassin houiller lorrain, on comptait 45000 ouvriers. Le musée est installé dans le bâtiment où les hommes se préparaient avant de descendre dans les entrailles de la terre. Il raconte l’histoire du charbon en Lorraine, la vie quotidienne du travailleur et de sa famille, les différents métiers et les politiques sociales des compagnies. On y découvre la patronne des mineurs, sainte Barbe, dont la statue était toujours disposée en guise de protection à l’entrée de la carrière souterraine. La célébration de sa fête, le 4 décembre, marquait le calendrier avec un jour chômé et des animations offertes par les employeurs.
LE MÉTHANE, ENNEMI MORTEL
Dans la Salle des pendus, Gaston Mai retrouve sans mal les anciens gestes. D’un mouvement sec, il tire un crochet pour faire descendre l’équipement
depuis un rail fixé au plafond: bottes, casque, bleu de travail, châle (contre les courants d’air). « Nous portions aussi un masque pour nous protéger des poussières fines. Il était changé tous les jours et nous en avions un en réserve sur nous », précise-t-il. À la lampisterie, en échange de son badge en laiton, on récupérait une lampe à chapeau, à fixer sur le casque et, à partir des années 1980, un appareil autonome de protection respiratoire. Celui-ci consistait en une sorte de petite valise, assez lourde, capable de fournir de l’oxygène pendant 20 minutes. Autour de son cou, enfin, le mineur suspendait un grisoumètre, qui décelait la quantité de méthane dans l’air et permettait d’anticiper un coup de grisou fatal. « Avant l’apparition de ce dispositif, on utilisait une lampe à essence. Si la flamme jaune virait à l’orange, c’était le signal d’une présence dangereuse de méthane dans l’air. Au xixe siècle, c’était un canari en cage, très sensible au gaz, qui donnait l’alerte. » Nous sortons du musée pour rejoindre le carreau de la mine, vaste esplanade aujourd’hui peinte en rouge, où transitait le charbon. Autour de nous, une architecture monumentale : celle des bâtiments des anciens ateliers de mécanique et d’électricité, les lavoirs et ces gracieuses charpentes que sont les chevalements dressés sur l’ouverture des puits. Sous l’effet du vent, une molette siffle un air de mélancolie.
UNE MINE DU XXE SIÈCLE
L’envie d’aller sous la terre, forcément, nous démange. Pour des raisons de sécurité, la mine n’est pas accessible au public mais une fidèle reconstitution à l’échelle 1 propose un instructif voyage dans les chantiers d’extraction souterrains. Gaston Mai nous guide vers la superstructure rouge et noir, aux allures de livre ouvert, qui barre l’horizon derrière le carreau. Au-dessus de l’entrée, s’inscrit l’ancien salut du mineur : « Glück auf ». « Cela signifie bonne chance en allemand. On l’échangeait tous les jours, pour se souhaiter de remonter vivant », explique notre guide, soulignant au passage l’époque de la tutelle allemande et la porosité avec la frontière à moins d’un kilomètre. Dans la quasi-obscurité, un simulateur peu avare de secousses nous fait revivre une descente à 12 m/s. Le site comptait sept puits et le plus profond atteignait 900 mètres. Ensuite, en empruntant les galeries, les mineurs pouvaient descendre jusqu’à 1300 mètres. La visite débute par un face-à-face avec un monstre mécanique qui forait le rocher, aidé d’explosifs, à raison de 12 mètres par jour. L’engin de 11 tonnes, armé d’un bras (et souvent de quatre), servait à percer les galeries principales qui délimitaient les étages d’exploitation.