L’INSOLENTE BEAUTÉ D’UNE VILLE DUCALE
D’emblée, le classicisme des places de Nancy conquiert le visiteur.
choisit de faire édifier sa dernière demeure sur un site symbolique: là où le duc René II reconquit le pouvoir en 1477, en emportant la bataille contre les troupes de Charles le Téméraire, lesquelles avaient envahi le duché deux ans auparavant. Notredame-de-bonsecours exprime toute la puissance du duché lorrain. C’est l’architecte Emmanuel Héré qui réalisa cette église à la façade exagérément haute, avant que Stanislas ne lui confie la conception des places élégantes dont s’enorgueillit aujourd’hui Nancy.
LA VILLE ROYALE DE STANISLAS LESZCZYNSKI
Nous rejoignons la place Stanislas, coeur battant de la ville. Jusqu’à la Révolution, la statue de Louis XV trônait au centre, remplacée par celle de Stanislas « le Bienfaisant », comme le souligne l’inscription sur le piédestal. Plan rectangulaire, pavillons aux façades classiques surmontées de pots à feu, grilles, réverbères et balcons en fer forgé rehaussés d’or, imposantes fontaines d’angle… Cette place, merveille d’ordonnancement, d’architecture et d’ornementation, constitue la pépite d’un ensemble (avec les places de la Carrière et d’alliance) que l’unesco a reconnu comme le témoignage le plus ancien et le plus typique de l’urbanisme du siècle des Lumières. Un arc de triomphe, à l’effigie de Louis XV, donne
accès à la place de la Carrière. Le nom et la forme allongée de cette esplanade rappellent qu’elle accueillait des tournois de chevaux après sa construction au xvie siècle. Emmanuel Héré l’a remaniée et a imprimé sa marque classique, en harmonisant les façades et en élevant des hôtels particuliers d’angle. L’alignement de tilleuls soigneusement taillés sur le pourtour renforce l’impression d’harmonie et de géométrie, parachevée au nord par la colonnade du palais du Gouvernement, siège de l’intendant de France sous Stanislas. À l’est, nous empruntons la rue des Écuries. Les automobiles ont remplacé les chevaux derrière les grandes portes en bois mais ce sont surtout les passerelles jetées au-dessus de nos têtes, entre les maisons et le grand parc voisin, qui interpellent. Le parc de la Pépinière séduit par ses grands arbres et ses lumières tamisées par les feuillages. Ormes, frênes, marronniers d’inde, noyers… Stanislas soutient la création d’une pépinière royale en 1765, pour disposer d’arbres à planter le long des routes régionales et pour offrir à la ville un parc d’agrément. Poumon vert de 21 hectares, il demeure un lieu de promenade privilégié des Nancéiens.
CAMPUS INTERDISCIPLINAIRE ET COMPLEXE AQUATIQUE
Un troisième espace complète l’ensemble urbain pensé par Emmanuel Héré. Plus modeste mais toujours marquée du sceau du xviiie siècle, la place d’alliance exhibe une fontaine inspirée par celle de la place Navone, à Rome. Avec les trois places conçues par Héré, Stanislas a relié la Ville-vieille (médiévale) au nord à la Ville-neuve (Renaissance) au sud. La modernité est désormais à chercher plus loin, au sudest de la voie ferrée qui coupe Nancy en deux. Du côté d’artem notamment, un campus interdisciplinaire, inauguré en 2012, qui détonne avec ses verrières aux lignes brisées, colorées en rose et
bleu. Tout près, la célèbre piscine ronde de Nancy entourée d’une balustrade en grès flammé et habillée de mosaïques, fait peau neuve. Le bassin, datant de 1913, va être intégré au Grand Nancy thermal, vaste complexe aquatique qui ouvrira ses portes en 2023.
LES CORDELIERS, UN PANTHÉON POUR LES DUCS DE LORRAINE
Notre découverte de Nancy s’achève dans la Ville-vieille, avec un voyage au temps de la période ducale via la Grande-rue. Au nord, la porte de la Craffe avec ses deux tours en poivrière, dernier vestige des fortifications de la cité médiévale, suggère par son imposante épaisseur la puissance passée de Nancy. Plus au sud, le palais ducal, illustre la magnificence du territoire. Érigé dans la seconde moitié du xiiie siècle, René II lui donnera une seconde jeunesse, après sa victoire sur Charles le Téméraire, en insufflant un style flamboyant et Renaissance qui culmine sur la porterie achevée par Antoine, son fils et successeur. C’est ce dernier qui est représenté sur la statue équestre au-dessus de l’entrée du monument. Sous le cheval, le chardon lorrain serait une des plus vieilles représentations des armes de la ville. Aux pinacles et aux savants jeux de courbes qui semblent faire onduler certains éléments de la façade du palais, l’église des Cordeliers voisine oppose une sobriété en accord avec sa vocation de nécropole des ducs lorrains. À l’intérieur, flottent les couleurs de la Lorraine, orange et jaune, projetées par la lumière du jour à travers la rosace. Du tombeau de René II, contre le mur Sud de l’église, il ne reste que l’enfeu. Mais quel écrin! Tout en marbre noir sculpté de pilastres et de niches foisonnants de détails. Deux autres ouvrages funéraires, exécutés par Ligier Richier, méritent l’attention. Tout le talent du sculpteur lorrain se lit dans l’expressivité du gisant de la duchesse Philippe de Gueldre: la seconde épouse de René II est drapée dans le marbre noir comme elle le serait dans un tissu soyeux.