CRO-MAGNON EN HÉRITAGE

Ce sont des coups de Klaxon salvateurs qui m’ont ramené dans le bon chemin, un brin égaré entre layons de la forêt de Feytaud et rives de la Beauronne, au coeur de ce Périgord blanc. Trois longs coups stridents, redonnant le nord à ma boussole. Ce trille est l’entrée en matière d’une camionnette qui appartient au paysage, comme le château des Brunies (où Victor Hugo cache Jean Valjean dans Les Misérables), le prieuré de Merlande ou les massifs de chênes pédonculés. Les flancs du véhicule portent en calicot: Boulangerie Boisseau.

C’est grâce à Lionel, de La Chapelle-gonaguet, que le bon pain frais arrive tous les mardis dans les hameaux isolés de la vallée de l’isle, juste au nordnord-ouest de Périgueux. Les plus anciens n’ont aucun mal à se souvenir qu’il en a toujours été ainsi. L’estomac dans les talons, je me jette sur une miche à la croûte mordorée. À peine le temps de sortir mon Opinel et de croquer à belles dents dans une tranche épaisse comme la main que, déjà, l’apostrophe fuse. Volte-face. Le patron plante alors son regard vif dans le mien : « Mon ami ! Ça ne se fait pas, chez nous, de manger le pain sec! Vous venez d’où? Suivez-moi jusqu’à la maison. À la rosée, j’ai fait une bonne tralée de cèpes et quelques girolles. Quand on est bien élevé, ça ne se refuse pas, pas vrai ? » L’homme grimpe dans sa ferme avec l’agilité d’un chevreau! Sa proposition est alléchante, en effet, mais il faut pouvoir soutenir le rythme…

Au milieu d’un pré où cacardent une fratrie d’oies dodues, se dresse une maison basse en calcaire gris, toit plat couvert de tuiles romaines, oeil-de-boeuf. Aucune fausse note. Il m’instruit: « Les gens du Périgord ne font pas la roue devant l’étranger, ils ouvrent leur porte, avec simplicité et confiance. Que la réciproque n’advienne pas, il faudra alors passer définitivement votre chemin ! Notre côté rugueux, notre manière de ne pas faire des mines, d’être à l’écoute de la nature, on les a sûrement un peu hérités de nos ancêtres, les Cro-magnon et Néandertal ! Croyez pas ? »

Je crois surtout que, si ces illustres aïeux s’installèrent ici, faisant le lit du berceau de l’humanité, c’est qu’ils avaient un sacré sens du beau… Adiussiatz ! Soyez à Dieu, autrement dit.

DOMINIQUE ROGER

Abonnez-vous à Détours en France sur : www.boutique.detoursenfrance.com, c’est rapide, simple et sécurisé… Plus d’infos sur : www.detoursenfrance.fr

« Il me reste un espoir pour l’avenir de l’espèce, et même de la planète. Il se peut qu’un jour la France cesse d’exister, mais la Dordogne survivra, tout comme les rêves dont se nourrit l’âme humaine… » (Henr y Miller). Photo : Le château de la Malartrie.