Concilier plaisir et vagabondage, lenteur et contemplation, oser apprivoiser le paysage. Les 100 kilomètres de la Véloroute-voie verte de la vallée de l’isle offrent tout cela, et bien plus encore…
Prendre le temps, dans la fraîcheur de l’ombrage, de découvrir le trajet de la rivière. S’autoriser des pauses pour regarder filer une truite dans le courant, suivre le sillage bleu d’un martin-pêcheur ou l’envol nonchalant d’un héron cendré.
après avoir croisé un loup. L'ecclésiastique, fort embarrassé, aurait prié Dieu de faire revenir sa monture pour lui permettre de poursuivre son voyage. Une source aurait alors jailli, attirant l’ânesse qui rentra aussitôt au bercail. À cet endroit, s’élève la jolie église romane de Saint-blaise (xiie siècle)… Plus sûrement, Annesse serait un nom d'origine gauloise, formé à partir de « ana », marais, et de « -icia », désignant un collectif. « Terres humides », voilà qui sied à la riveraine de l'isle!
À SAINT-ASTIER, UN RICHE PATRIMOINE ARCHITECTURAL
Nous prenons le temps de faire une boucle et d'aller voir de près le moulin de Taillepetit (xive siècle), avant de reprendre la Véloroute en direction de Saint-astier. Ce bourg offre un riche patrimoine architectural. La rue de la Fontaine, par exemple, compte de nombreuses constructions à colombages. La maison Labidoire (xvie siècle) est la plus belle d’entre elles. L’église fortifiée, édifiée sur les vestiges d’un bâtiment du xie siècle et restaurée au xve, est aussi digne d’intérêt. Son clocher massif est orné d’un chemin de ronde à mâchicoulis. Autre curiosité: la Fabrique, centre multiculturel abrité dans une ancienne usine de chaussures.
UN CHÂTEAU FÉODAL ET UNE ÉGLISE ROMANE
Il est aussi possible, pour peu que l’on aime les détours, de faire un crochet afin d'admirer le château de Puyferrat, situé à l’écart de Saint-astier. Bâti au xve siècle, il n’a été que peu remanié par
les propriétaires successifs et, de fait, il a conservé son allure féodale d’origine. Depuis le chemin de ronde, un beau panorama se déploie sur le bourg et la campagne environnante. La Voie verte passe ensuite par Saint-léon-surl’isle et son église romane (xiie siècle). À quelques pas, se trouve le château de Beauséjour (xive siècle), berceau de la famille de Talleyrand (1754-1838), diplomate entré dans l’histoire avec le surnom de « Diable boiteux ».
DANS LE PARC DE NEUVIC, LA COMPAGNIE DES OISEAUX
Nous arrivons à présent à Neuvic, qui mérite que nous nous y arrêtions. Pour la visite de la ferme piscicole d’esturgeons et la dégustation de caviar, entre l’isle et le Vern, mais également pour le château. Bâti de 1520 à 1530 sur les berges de la rivière, il est entouré d’un vaste parc de 6,5 hectares. Resté propriété de la famille Fayolle de Mellet jusqu’en 1925, il change de mains à plusieurs reprises avant d’être légué, en 1950, à la fondation Hospice des orphelines de Périgueux. C’est aussi le siège de structures à visées médicoéducatives. Le château et le parc sont ouverts à la visite. En établissant notre programme du jour, nous avions décidé de déjeuner sur l’herbe. Autrement dit de pique-niquer dans le parc, aménagé en arboretum: il présente une belle diversité d’arbres et d'arbustes (chênes, érables, viornes, cornouillers…), un verger et un jardin de curé, parfaitement mis en valeur. Nous sommes chanceux, car les hôtes des lieux nous ont tenu compagnie. Des mangeoires et des nichoirs sont installés dans ce qui est, depuis plusieurs années, un refuge de la Ligue de protection des oiseaux… Mais si vous pédalez léger et que vous êtes adepte d’histoire, vous pourrez vous attabler au restaurant du château. Ses salles, qui ont gardé leur charme d'antan, vous y invitent. Vous aurez le choix entre une salle voûtée, ornée
d’une cheminée ancienne à l'ambiance médiévale, et un grand salon du xviiie siècle plus romantique. Si vous ne parvenez pas à vous décider, la belle terrasse donnant sur l’isle vous tend les bras! Quelle que soit votre préférence, les prix sont doux, la table est bonne et le service très attentif.
À MAURIAC, DE BELLES ÉCHAPPÉES VERS L'HORIZON
Nous reprenons la route, pour faire aussitôt une halte au bord du lac artificiel créé le long de la voie qui mène de la Croix-blanche à Neuvic-gare. Là, ont été reconstituées des « doubleaudes », de petites maisons de bois, de terre et de paille, qui peuplaient autrefois la forêt de la Double couvrant, sur 50000 hectares, la partie Centre-ouest de la Dordogne et le Nord-est girondin. En passant par l’écluse de Mauriac, quelques kilomètres avant Douzillac, nous admirons le tableau composé par le château qui surplombe la rivière et la ligne de chemin de fer. Construit aux xve et xvie siècles, il est privé mais son parc, en accès libre, permet de belles échappées vers l’horizon. À Saint-front-de-pradoux, la mairie est logée dans l’ancien presbytère. Notre prochain arrêt se fait à Sourzac, sur le pont, tant la vue sur l’église Saint-pierre-et-saint-paul (xiie-xve siècles) y est magnifique. Le sanctuaire trône sur l’éperon rocheux dominant la rivière avec, en toile de fond, la forêt. À ne pas manquer !
AU PRESBYTÈRE DE SOURZAC UN APERÇU DE PRÉHISTOIRE
Nous montons jusqu’à l'église : les arcs romans, le clocher imposant et le portail gothique forment un édifice élégant; et les deux chapelles qui la flanquent composent une agréable cour. Sous cet ensemble, se trouve la grotte ornée de Gabillou, découverte peu après Lascaux. Elle compte 223 gravures datant du Paléolithique supérieur (de -40 000 à -10 000 ans). Difficile d’accès et trop fragile, la cavité n’est pas ouverte au public, mais des reproductions donnent un aperçu de ses trésors dans l’ancien presbytère de Sourzac. Un peu à l’écart du chemin, il est une autre église qui vaut bien une étape, celle de Saint-martin-l’astier. Construite entre les ixe et xiie siècles, elle comprend une tour octogonale coiffée d’une coupole et une nef de style roman… L’isle fait de longues boucles qui ne facilitent pas la navigation entre Périgueux et Libourne. Des canaux de dérivation ont donc été creusés, que la Véloroute emprunte volontiers. Ces pas de côté donnent un charme supplémentaire à notre balade : les coquettes maisons éclusières ont toujours un aspect enchanté! C’est le cas de celle de Bénévent près de Saint-laurentdes-hommes, sur les bords du canal de la Filolie. L’été, elle accueille animations et soirées à thème. chateau-lalande-perigord.com Catherine et Yves Staebell ont pensé leur hôtel quatre étoiles comme un « château d’hôtes ». Elle veille à ce que chacun soit chaleureusement accueilli, tandis qu’il officie dans les cuisines du restaurant gastronomique. Menu: 43 €.
Restaurant Le Château
Le château, 24190 Neuvic. 0974565309. chateau-mariage-dordogne.com
Cuisine traditionnelle, gastronomique et abordable, élaborée à partir de produits régionaux. Deux ambiances différentes pour ce restaurant, qui se double d’une entreprise d’insertion professionnelle: Moyen Âge et xviiie siècle. Un autre de ses atouts est la terrasse donnant sur l’isle. Menu du jour: 20 €.
L’ISLE, UNE RIVIÈRE VIVANTE, LIEU DE VIE ET DE TRAVAIL
Une autre écluse, sur la partie de l’isle dépendant de la commune de Saintmartial-d’artenset, est remarquable : celle du Moulin du Duellas. Elle reste l’unique écluse manuelle en fonctionnement en Périgord. Un site charmant : sur un îlot de 6 hectares, l’ancienne maison d’accueil des bateliers et le relais à chevaux ont fait la place à un restaurant. Le moulin, qui a produit de la farine, coupé du bois et distribué l'électricité, a été converti en centre d’exposition et de mémoire locale. À son pied, on peut, à la belle saison, monter à bord d’une gabare pour une balade hors du temps. Voie de communication et de négoce, lieu de vie et de travail: l’isle est une rivière vivante, témoin d’un riche passé. Ce sont les empreintes de cette Histoire, commencée à l'âge des cavernes, qui nous ont été données à voir, au rythme de nos envies.