Des traditions solides incarnées aussi par Pont-l’abbé, que Maupassant considérait comme
Au sud du Finistère, l’économie de ce « pays » vibre au rythme du tourisme et de la pêche.
Son nom est une intrigue. À la pointe de Saint-pierre, à Penmarc’h, ce phare carré en granit de 64,80 mètres de haut porte le patronyme d’un village bavarois où eut lieu en 1809 une bataille napoléonienne, remportée par le maréchal d’empire Louis Nicolas Davout contre l’armée d’autriche. À sa mort en 1823, sa fille, Louise Davout, fit don de 300000 francs pour la construction d’un phare, à condition qu’il porte le nom de ce bourg allemand, dont son père avait été fait prince. «Les larmes versées par la fatalité des guerres, que je redoute et déteste plus que jamais, seront rachetées par les vies sauvées de la tempête », disait-elle. Bâti de 1893 à 1897, le phare se dresse sur l’un des rivages les plus dangereux du sud Finistère, constellé de nombreux récifs. Depuis le sommet, accessible par les 307 marches d’un escalier dont la cage est recouverte d’opaline, il offre une vue grand-angle sur la baie d’audierne. Son éclat blanc lancé toutes les 5 secondes porte jusqu’à près de 50km. En 2007, les gardiens ont laissé la place à un système automatisé. Monument historique depuis 2011, il découvre à ses pieds le reste de la pointe de Saint-pierre : le local du canot de sauvetage Papa Poydenot, embarcation centenaire classée monument historique; le Vieux Phare rond de 1835, transformé en Centre de découverte maritime, avec expositions sur les phares et balises; la chapelle fortifiée de Saint-pierre, du xve siècle; le blanc sémaphore, à l’extrémité de la pointe. Un « complexe » de surveillance maritime à fréquenter sans modération.
Encore une ville de fond d’estuaire ! Si Pont-l’abbé n’échappe pas aux poncifs associés à cette situation (commerce maritime important au xixe siècle, ville de marchés, de foires et d’artisans), elle le fait avec un supplément d’âme qui lui vaut d’incarner une forme de quintessence bretonne. Les costumes brodés les plus beaux, la coiffe la plus haute, la tristesse la plus grande face aux marins disparus, la révolte exemplaire du peuple contre les impôts royaux (les fameux Bonnets rouges, en 1675)… tout, ici, semble marqué du sceau de l’intensité. On le découvre en arpentant les deux rives de la rivière de Pont-l’abbé, séparant le centre-ville du quartier populaire de Lambour. Le pont est ainsi inédit. À la fois barrage hydraulique et axe de passage, il a abrité au xixe siècle l’une des plus grandes minoteries de France. De nos jours, il reste l’un des seuls ponts habités de France, avec ceux de Landerneau et de Narbonne – c’est là qu’est installé Le Minor, célèbre atelier de broderie breton.
Prolongeant le pont, l’ancien château et sa tour du xve siècle révèlent la puissance des seigneurs locaux. L’édifice fut dévasté par les Bonnets rouges, puis restauré. Il abrite l’hôtel de ville et le Musée bigouden, présentation soignée de la prodigalité pont-l’abbiste. Le coeur de ville vaut une balade, notamment la place Gambetta, aire de marché (le jeudi) arborée entourée de maisons des xvie-xviie siècles. On s’attardera devant l’église Notre-dame-descarmes et son imposante rosace de plus de 7 mètres de diamètre (encore un excès local !). Et devant le célèbre monument Aux Bigoudens, tragique désespoir de femmes ayant perdu leurs maris et pères en mer…
Il a craqué pour le Pays bigouden. Enfant de Concarneau inscrit depuis l’âge de 7 ans comme batteur de caisse claire écossaise au bagad de la ville, il a quitté le Cercle de Concarneau où il dansait pour celui de Pont-l’abbé. « Par amour du Pays bigouden, de sa manière de vivre chaleureuse, de son esprit d’entraide et de bienveillance », dit Stefen. Non pas qu’il ait rejeté Concarneau. Il s’entraîne toujours un vendredi sur deux dans ce bagad membre de l’élite bretonne depuis 2019. Mais l’attrait pour la gavotte bigoudène et ses interprétations contemporaines lui plaisaient. « Notre cercle est innovant par ses chorégraphies et la création de costumes. Nous exagérons les traditions, par exemple en agrandissant encore la hauteur de la coiffe locale! », illustre-t-il. Le groupe scénique du Cercle celtique de Pont-l’abbé, pensionnaire aussi du championnat d’élite, compte 45 personnes. Il possède la moyenne d’âge la plus jeune du territoire. « Il y a un nouvel engouement du public, attiré par la modernité de nos spectacles. » Le folklore bigouden réinventé…
LES COSTUMES BRODÉS LES PLUS BEAUX, LA COIFFE LA PLUS HAUTE, LA TRISTESSE LA PLUS GRANDE FACE AUX MARINS DISPARUS, LA RÉVOLTE EXEMPLAIRE DU PEUPLE CONTRE LES IMPÔTS ROYAUX (LES FAMEUX BONNETS
ROUGES, EN 1675)… TOUT, ICI, SEMBLE MARQUÉ DU SCEAU DE L’INTENSITÉ.
L’un est célèbre pour ses « Demoiselles », les langoustines dont le port est la spécialité. L’autre est connue pour sa pêche à pied et ses huîtres, ramassées et élevées à l’embouchure de la rivière de Pont-l’abbé. Si elles ne se regardent pas en chiens de faïence, les deux n’ont plus la même vocation. La première est restée populaire; la seconde a clairement basculé vers le tourisme. Un passeur, toutefois, les relie de juin à septembre et hors saison, durant les vacances scolaires.
Loctudy, fin de matinée. Bateaux hauturiers et côtiers sont au bercail, rangés à quai ou en bataille le long d’un ponton. Des filets sèchent. Les armements et poissonneries nettoient ou rangent leur matériel. Reine du port, la langoustine est surtout pêchée d’avril à octobre. Elle donne le La d’une criée
où la vente s’effectue chaque matin en semaine à 6 heures. Comme Douarnenez, Loctudy a connu l’époque des conserveries de poissons. L’une d’elles, Alexis Le Gall, a été en activité de 1901 à 1954. Elle est en cours de réhabilitation afin d’accueillir en 2021 un musée de la Conserverie. En face, avec ses maisons bâties jusqu’à l’ultime pointe, c’est l’île-tudy. Un port de tradition sardinière, antérieur à Loctudy. « Il y a eu ici trois grosses usines sardinières. Ma grand-mère portait d’ailleurs la coiffe des Penn Sardin », témoigne Yves Teurtroy, président de l’association RIA (Rivière, Île et Acteurs), chargée de créer du lien entre les usagers de la baie. La pêche à pied a aussi fait la bonne fortune de l’île-tudy. « Les femmes appelaient la rivière de Pontl’abbé la Banque de France, tellement elle était riche de coquillages ! » Ces femmes