ET MON TOUT FORME L’UNIQUE
On n’a souvent des Cévennes qu’une image fragmentée. Pour les uns, elles évoquent la mémoire protestante, socle d’une identité supposée forte et opiniâtre. Ou la culture du ver à soie, souvenir d’un labeur dont le paysage porte la trace – les magnaneries. D’autres y rattachent les fameux « épisodes cévenols », ces pluies torrentielles qui dévalent à l’automne des sommets de l’aigoual et s’écoulent dans les vallées gardoises par des torrents rendus fous – images tragiques de journaux télévisés, avec pompiers sauveteurs et habitants résignés. Certains songent au schiste cévenol et aux villages forteresses, agrégats de maisons rustiques plaqués en sentinelles sur des versants raides et boisés. D’autres, encore, y voient l’incarnation d’une ruralité magnifiée, entre cultures immémoriales (la châtaigne) et néoruraux bio. Quand ce n’est pas, enfin, le souvenir de l’épopée minière, lesté des combats sociaux menés avec ardeur dans le bassin houiller d’alès.
Ces réalités fractionnées disent l’inconfort à « poser » une image globale des Cévennes. Bien que touristique, le territoire garde sa part de secret.
Trop intriqué pour se mettre entièrement à nu. Trop ancré pour s’ouvrir sans pudeur aux gens venus d’ailleurs. Trop « identitaire » pour se fondre dans le modèle mondialisé. Entre unité géographique, histoire partagée et culture commune, ces poncifs, mis en équation, constituent pourtant l’architecture de son âme. Et en ces temps de pandémie où le retour à l’essentiel est prôné, les vertus et traditions cévenoles séduisent. Du mont Lozère aux frontières ardéchoises, de la Corniche aux « vallées enfermées », nous avons arpenté ces montagnes et thalwegs, livrant ici le fruit de nos voyages, entre coups de coeur humains et bonheurs naturalistes. Pour « comprendre la Cévenne », disait Jean-pierre Chabrol, icône de la littérature cévenole, « il faut avoir passé le doigt sur le grain de ces pierres ; après, tout ce qu’on touche n’a plus l’air vrai ». Si ce n’est pas la définition d’un authentique terroir…
DOMINIQUE ROGER
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