Detours en France

LA NORMANDIE, UN GOÛT D’AILLEURS

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« La Normandie me hante : j’y suis né. Elle m’a donné l’amour de la mer, des voyages, de l’histoire, de la littératur­e. À chaque retour, j’y découvre une nouvelle route buissonniè­re, une autre vie imaginaire. » Ce n’est pas de Maupassant, encore moins de Flaubert ou de Maurice Leblanc. Cet élan du coeur est celui d’olivier Frébourg, écrivain, grand voyageur, éditeur ancré à Sainte-marguerite-sur-mer, platier rocheux enkysté entre le cap d’ailly et l’embouchure de la Saâne, petit fleuve côtier. Dans les plis de cette muraille de craie et de silex, par les chemins pierreux du plateau cauchois, dans la fraîcheur ombrageuse des hauts talus des clos-masures, les peintres paysagiste­s et les impression­nistes jouèrent aux chemineaux, chevalets et boîtes de couleurs chevillés au corps, quêtant, fiers mendiants d’un état de grâce, des sensations nouvelles où cette liberté créatrice carburait à une soûlerie de lumière, de vent et d’embruns. Monet cherchait à capturer le fugace d’un « soleil levant ». Courbet courbant l’échine aux creux des caillouteu­ses valleuses s’immobilisa­it face au couchant. Boudin s’usant, exquise douleur, les yeux face aux ciels changeants de la plage de Pourville au port de Dieppe. Et Pissaro, Blanche, Isabey, Cals… Dix fois, cent fois sur le motif remettre son sujet: lumières diaphanes, insaisissa­bles; train de houles ahanant sous un ciel d’acier; matinées de soleil furtif furetant au ras de grasses prairies complantée­s d’augustes pommiers. Enfer et féerie, amour et chagrin mêlés…. Une certaine idée de la Normandie.

Dégringola­nt plein sud les falaises de la Côte d’albâtre, via le cap de la Hève, entrez au Havre par Sainte-adresse, surnommée le « Nice havrais » en souvenir des lustres balnéaires d’une Belle Époque dont l’insoucianc­e sera balayée par la Grande Guerre. Le Havre, port fondé par François Ier le 8 octobre 1517, est une ville nouvelle. Née une seconde fois de l’inspiratio­n créatrice d’un disciple de Le Corbusier, Auguste Perret. De cette reconstruc­tion au plan orthonormé, il dessina une cité idéale où se greffèrent nombre d’expériment­ations. L’unanimité n’a pas toujours été de mise et les Havrais devront attendre 2005 pour que leur « ville-béton » soit inscrite au patrimoine mondial de l’humanité de l’unesco. La note juste vient de l’homme de lettres Yoland Simon : « Le Havre. Tous les éléments d’une ville-monument, tramée comme du papier à musique et rythmée comme une partition musicale, une fugue de Bach. » (Le Roman du Havre, éd. des Falaises.)

De l’autre côté de l’estuaire de la Seine, c’est une autre atmosphère qui vous enveloppe. D’abord, ce sont les stations balnéaires chics – Trouville, Deauville, Cabourg –, pépinières de villas néonormand­es Belle Époque. Puis, de l’orne à Omaha, de Bayeux à Saint-lô, d’utah Beach à la pointe du Hoc, caboter au gré des routes de la liberté qui ourlent un trait de côte unique, où longues plages, falaises, marais, pointes et caps portent toujours inscrits dans leurs chairs topographi­ques les stigmates de la guerre.

 ?? ?? Les Braves, sur la plage Omaha, dite « la Sanglante », à Saintlaure­ntsur-mer. Conçue par la sculptrice française Anilore Banon, cette oeuvre titanesque en Inox rend hommage aux soldats alliés tombés pour la liberté à l’été 1944.
Les Braves, sur la plage Omaha, dite « la Sanglante », à Saintlaure­ntsur-mer. Conçue par la sculptrice française Anilore Banon, cette oeuvre titanesque en Inox rend hommage aux soldats alliés tombés pour la liberté à l’été 1944.

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