LES FRANCISCAINES :
CULTURE À TOUS LES ÉTAGES
Inauguré en mai 2021, le nouvel espace culturel de Deauville a sublimé un ancien couvent du xixe siècle, tout en réinventant l’accès à la culture. Un pari osé, mais une réalisation qui a déjà trouvé son public. Les Franciscaines, c’est d’abord l’histoire d’un faux départ. En 2005, Philippe Augier, maire de Deauville, lance le projet d’un pôle culturel qui doit associer une médiathèque et une salle de spectacle. Ce projet avance, l’architecte est désigné, les équipes constituées.
Mais ce bâtiment ne sortira jamais des cartons. La crise économique de 2009 vient d’éclater, alors que Deauville mène déjà de front deux autres projets: l’aménagement de la presqu’île de la Touques et la construction du Pôle international du cheval. La prudence s’impose car Deauville, aussi prestigieuse soit-elle, n’est qu’une petite ville de 3500 habitants aux moyens limités. En 2011, Nicole Hambourg, veuve du peintre André Hambourg, familier de Deauville, cherche un endroit pour abriter sa collection. Philippe Augier accepte la donation. Cette responsabilité engage, mais le mot de musée n’est pas encore prononcé. Puis, lorsque les soeurs de l’ancien orphelinat annoncent qu’elles vont quitter leur couvent de 6 000 mètres carrés, trop grand pour elles, les astres s’alignent. De ce concours de circonstances naîtra, dix ans plus tard, le centre culturel des Franciscaines.
LA LETTRE AU PÈRE NOËL
Les grands territoires ont tous des équipements spécialisés. Médiathèque, musée des Beauxarts, musée d’art contemporain…
À l’échelle d’une petite ville, une telle ambition est impossible, à moins de briser les codes et d’inventer de nouveaux usages. C’est l’art du décloisonnement. La directrice des Franciscaines, Caroline Clémensat, se souvient du brainstorming initial avec les équipes de la Ville: « Nous avons écrit une lettre au Père Noël avec toutes nos envies. À charge pour l’architecte de tout faire entrer dans la boîte et d’organiser le dialogue entre les espaces. » C’est Alain Moatti qui a le mieux compris le défi. Il remporte le projet architectural mais aussi sa scénographie. Sa trouvaille pour mettre en relation l’ensemble des collections? Le « ruban de la connaissance ». Ce dispositif trace un fil continu entre les espaces.
Les collections muséales sont ainsi associées à des documents qui prolongent et enrichissent la thématique. Derrière le ruban, se trouvent des espaces intimes où l’on peut s’installer dans un sofa pour se documenter.
VISITE GUIDÉE
La découverte des Franciscaines commence par la cour du cloître de 400 mètres carrés qui a été entièrement couverte. Cette agora, c’est le geste architectural d’alain Moatti. Sous la verrière monumentale, un lustre déploie son calepinage de 14 285 tubes transparents, ondulant comme une vague cristalline. Sur deux étages, chaque galerie propose une expérience de visite et un univers différents. La scénographie évolue en fonction des espaces, passant de la mémoire de Deauville aux peintres impressionnistes ou à la culture du cheval. À Deauville, la photo est aussi portée en avant grâce au Festival Planches Contact. Les Franciscaines lui consacrent une belle séquence grâce aux acquisitions faites à chaque édition (Gisèle Freund, John Batho, Sarah Moon…). Pour inviter un public qui ne fréquente pas les musées à découvrir les oeuvres de la collection et les prêts du Louvre, d’orsay ou de la BNF, les espaces ne sont pas cloisonnés. Cela peut surprendre mais c’est un parti pris assumé. Au-dessus des bacs de BD, votre regard sera peut-être attiré par des toiles de Monet ou de Corot. À l’étage, la galerie des Maîtres propose des petits accrochages temporaires et conduit jusqu’au musée André Hambourg. « On peut y passer des heures en venant dès le matin pour admirer la collection Peindre en Normandie, déjeuner au réfectoire à l’heure du brunch, puis assister à une rencontre littéraire dans l’après-midi », résume Caroline Clémensat. Ainsi, les Franciscaines n’étonnent pas seulement les Deauvillais. Le centre culturel est devenu une destination touristique en soi. L’art du tout-en-un !