JEAN BULOT
« ARZ, MON PORT D’ATTACHE »
C’est un cliché, mais si vous voulez savoir à quoi l’on reconnaît un « vieux loup de mer », allez à la rencontre de Jean Bulot. Issu d’une longue lignée de marins émérites, l’ancien capitaine du remorqueur de haute mer l’abeille Flandre coule une retraite heureuse dans l’unique endroit sur terre où il voulait poser son havresac de marin.
« J’ai trempé dans l’eau de saumure depuis tout petit. À mon époque, on ne pensait à rien d’autre sauf à la marine marchande. C’est par atavisme que l’on devenait marin », déclare Jean Bulot, Ildarais de 82 ans. Le carnet de bord de sa vie est un récit d’aventures à lui seul. Après une carrière de capitaine au long cours, Jean Bulot passe quinze ans à secourir les bateaux en détresse dans le redoutable rail d’ouessant, à bord d’un géant d’acier de 12 800 chevaux, l’abeille Flandre. L’heure de la retraite sonnée, si celui qui a essuyé maintes tempêtes dans sa vie retrouve le plancher des vaches, pas question de cultiver son jardin en père peinard. Et s’il continue de porter secours aux autres, ce qu’il cherche à sauver c’est le patrimoine en ruine de son île natale. À son actif, la restauration du moulin à marée de Berno ou celle d’une chaloupe traditionnelle, l’ildaraise, réplique construite au chantier du Guip sur l’île d’en face.
« Pour le moulin à marée, avec une bande de copains, on est parti de zéro. Tout était en ruine et cela m’attristait, moi qui avais passé le plus clair de mon enfance dans sa piscine naturelle. Arz est une des rares îles qui possède un tel patrimoine. Au début, on m’a pris pour un fou car il fallait, en plus du moulin, rebâtir la digue de 300 mètres à mains nues, pierre par pierre ! Je m’étais donné dix ans. Avec mes amis, on l’a fini en six. Remarquez, grâce à cet effort physique herculéen, je n’ai pas de bedaine aujourd’hui! » Le moulin à marée du xvie siècle a produit sa première mouture de farine en 2010 après un siècle d’arrêt.
Quand Jean Bulot ne navigue pas avec la toile du temps en barrant l’ildaraise, c’est assis à son bureau qu’il couche sur le papier des histoires de mer, évidemment.
« C’est lors de mes longues courses en mer que j’ai commencé à écrire pour tromper l’ennui. Depuis, je suis pris de passion »,
confie l’auteur d’une dizaine d’ouvrages (romans, témoignages, récits). « Chez moi en hiver, lorsque la pêche est impossible, je me mets à écrire. J’essaie une heure ou deux, et si rien ne sort je mets mes bottes et mon ciré pour sortir marcher quel que soit le temps.
Car l’île d’arz est toujours belle, même quand il pleut. » CQFD.