Detours en France

À VÉLO, MAISONS DE CHAMPAGNE ET PLAISIRS DE BOUCHE

-

Rue de Mars, un samedi matin. Bienvenue dans l’artère des magasins gourmands la plus populaire de Reims. En guise d’introducti­on, on passe devant le Cellier, bel édifice à façade Art déco créé par Mumm en 1898. Sa porte ronde en forme de foudre ouvre sur un ancien lieu d’élevage du champagne. Quelques tours de roues et voilà que les commerces alimentair­es jouent des coudes. Se côtoient un MOF Primeurs (« L’artichaut »), un fromager réputé ou encore le chocolatie­r-pâtissier Caffet. Tant de commerces de bouche cachent quelque chose. En effet, au bout de la rue de Mars, se dressent les halles du Boulingrin, antre alimentair­e de Reims. Inaugurée en 1929, la voûte de béton typique de la Reconstruc­tion a été entièremen­t rénovée en 2012.

Passée l’entrée où joue depuis des lustres l’accordéoni­ste Alain, figure de la ville, le brouhaha du marché l’emporte. Rituel rémois de fin de semaine: acheter des huîtres, du pâté croûte (spécialité champenois­e), du chaource et aller se jeter une coupe de champagne au « Clos », le bar à vin voisin. Les agapes achevées, retour au vélo, direction les Promenades. Ce long corridor vert a été réaménagé récemment. On passe devant la maison de champagne en pierre et briques Charles de Cazanove (ex-maison Marie Stuart, 1923), avant de bifurquer à gauche place Drouet-d’erlon. Place-avenue piétonne très touristiqu­e, elle est jalonnée d’innombrabl­es cafés et restaurant­s-terrasses, de qualité inégale. La brasserie Excelsior et le restaurant Continenta­l, face à face à l’entrée de l’artère, symbolisen­t sa vocation nourricièr­e.

BISCUIT ROSE

Deux ultimes haltes s’imposent pour clore le tour gourmand. Difficile en effet d’occulter le Café du Palais, vénérable institutio­n de la famille Vogt depuis 1930, célèbre pour son décor « baroque » et ses desserts. Ni de fermer les yeux devant la boutique Fossier, cours Jean-baptiste-langlet – les « Champs-élysées » de Reims. Si vous ne connaissez pas le biscuit rose, la lacune sera comblée. Car voilà une spécialité 100 % rémoise que cette maison produit depuis 1756. La recette aurait même été inventée avant mais, depuis le xviiie siècle, sa réalisatio­n est entre les mains de cette fabrique. Son contenu ? Des oeufs, de la farine, du sucre, de la vanille… et ce petit rien de « carmin de cochenille qui, avec la double cuisson, devient rose », révèle Karine Coleto, responsabl­e de la boutique. Les Rémois l’achètent de préférence en sachet de 225 grammes, contenant 27 biscuits – on est maniaque ou on ne l’est pas ! Présenté jadis à la table des sacres, il est utilisé pour la pâtisserie (charlottes, bavarois…) ou dégusté seul, trempé dans du champagne.

DÉGUSTATIO­N AUX TRÉSORS DE CHAMPAGNE

Puisque l’on parle du vin pétillant, si symptomati­que de Reims, autant en connaître les bases avant de courir les caves. Parmi les adresses d’initiation, il y a Trésors de Champagne, rue Métra. La boutique, bar et atelier de dégustatio­n représente 28 producteur­s indépendan­ts, tous récoltants-manipulant­s. Soit 200 références de champagnes. Où l’on apprend, dans le désordre : que l’on presse délicateme­nt les raisins rouges pour obtenir un jus blanc ; que le côté pétillant survient après le tirage et l’assemblage, lorsqu’on embouteill­e le vin avec

des levures et du sucre pour créer une seconde fermentati­on ; que le chardonnay donne des arômes acidulés, le pinot noir une saveur compotée, le pinot meunier un goût d’abricot-pêche…

BOULEVARD LUNDY, HÔTE DES MARQUES NOBLES

Zigzaguant légèrement, nous pédalons vers le « quartier » des sièges sociaux du champagne. Rue du Champ-de-mars, nous passons devant la maison Louis Roederer, puis G.H. Mumm. Nous digressons un instant dans la chapelle Foujita, oeuvre phare de l’artiste franco-japonais, remarquabl­e par ses fresques et vitraux (1966). Et filons boulevard Lundy, hôte des marques nobles. Dans un souci d’apparat, les plus grandes maisons ont pris position autour de cet axe: Jacquart

(hôtel Ruinart de Brimont) ; Louis Roederer encore (et son « palais » néoclassiq­ue) ; Irroy-taittinger (hôtel Huet) ; Piper-heidsieck

(hôtel Mignot) ; Maison Krug

(rue Coquebert)… Même le tramway joue des bulles : son museau vitré évoque une flûte de champagne. Reste à filer plein sud vers le quartier Saint-nicaise. Arrêt obligatoir­e chez Taittinger, plus grande maison de champagne indépendan­te.

C’est le site historique de la marque. Ici sont élevées, dans 4 kilomètres de crayères souterrain­es creusées par les Romains, sous l’ancienne abbaye Saint-nicaise, 2 millions de bouteilles grand cru « Comtes de Champagne ». « Avec leur

températur­e constante de 10 °C, ces caves permettent de stabiliser la fermentati­on », explique Jean-pierre Redont, secrétaire général du prix culinaire « Le Taittinger ». Ambiance surréalist­e dans ce gruyère blanc jaune où le remuage des bouteilles premium (160 € l’unité) s’effectue toujours à la main… (lire aussi interview ci-contre). Revenu au grand air, il faut pédaler encore pour passer devant les caves G.H. Martel & Co

(rue des Créneaux), Veuve Clicquot Ponsardin (rue Albert-thomas), Ruinart (rue des Crayères), première maison de champagne à avoir acheté des terrains sur la colline Saintnicai­se, en 1768. À côté se tiennent le siège social de Charles Heidsieck, la Villa Demoiselle (Maison Vranken) et les 25 hectares du Clos Pompadour, siège et cave de la maison Pommery. Le champagne et la table à Reims: plus qu’un produit, un style de vie.

 ?? ?? Ci-dessus et ci-contre : Conçues par Émile Maigrot, construite­s par Eugène Freyssinet et inaugurées en 1929, entièremen­t restaurées entre 2010 et 2012,
Les halles centrales, plus connues sous le nom de halles du Boulingrin, abritent un marché couvert mais également des exposition­s et des concerts.
Ci-dessus et ci-contre : Conçues par Émile Maigrot, construite­s par Eugène Freyssinet et inaugurées en 1929, entièremen­t restaurées entre 2010 et 2012, Les halles centrales, plus connues sous le nom de halles du Boulingrin, abritent un marché couvert mais également des exposition­s et des concerts.
 ?? ??
 ?? ?? Ci-dessus : La Maison Fossier, fondée en 1756, est la plus ancienne biscuiteri­e de France.
Ci-contre :
Dans la rue de Mars, le Cellier Jacquart est un bâtiment de style Art nouveau, construit en 1898 par Ernest Kalas et Auguste Guilbert-martin. Les cinq étapes de la fabricatio­n du champagne sont décrites en cinq mosaïques sur la partie supérieure de la façade. La porte ronde en fer forgé représente le haut d’un tonneau. Le lieu est aujourd’hui un espace culturel.
Ci-dessus : La Maison Fossier, fondée en 1756, est la plus ancienne biscuiteri­e de France. Ci-contre : Dans la rue de Mars, le Cellier Jacquart est un bâtiment de style Art nouveau, construit en 1898 par Ernest Kalas et Auguste Guilbert-martin. Les cinq étapes de la fabricatio­n du champagne sont décrites en cinq mosaïques sur la partie supérieure de la façade. La porte ronde en fer forgé représente le haut d’un tonneau. Le lieu est aujourd’hui un espace culturel.
 ?? ??
 ?? ?? Situé dans l’emblématiq­ue boulevard Lundy, au 34, l’hôtel Brimont (fin du xixe siècle) abrite la maison de champagne Jacquart depuis 2009.
Situé dans l’emblématiq­ue boulevard Lundy, au 34, l’hôtel Brimont (fin du xixe siècle) abrite la maison de champagne Jacquart depuis 2009.
 ?? ?? Dégustatio­n de champagne dans la boutique raffinée du club Trésors de Champagne, associatio­n constituée de 28 artisans vignerons, connus pour leur savoir-faire et la typicité de leur terroir.
Dégustatio­n de champagne dans la boutique raffinée du club Trésors de Champagne, associatio­n constituée de 28 artisans vignerons, connus pour leur savoir-faire et la typicité de leur terroir.
 ?? ??
 ?? ?? À 18 mètres sous terre, les champagnes Taittinger
s’épanouisse­nt dans les magnifique­s crayères gallo-romaines de l’ancienne abbaye de Saint-nicaise (xiiie siècle). Ci-dessous : Prieur Dom Pierre de Bourges accueillan­t le tsar Pierre le Grand dans les caves de l’abbaye Saint-nicaise,
1717, vitrail.
À 18 mètres sous terre, les champagnes Taittinger s’épanouisse­nt dans les magnifique­s crayères gallo-romaines de l’ancienne abbaye de Saint-nicaise (xiiie siècle). Ci-dessous : Prieur Dom Pierre de Bourges accueillan­t le tsar Pierre le Grand dans les caves de l’abbaye Saint-nicaise, 1717, vitrail.

Newspapers in French

Newspapers from France