Detours en France

CLAIRVAUX, L’ABBAYE À DOUBLE ENFERMEMEN­T

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Clairvaux. En France, ce nom claque comme une réclusion ad vitam pour nos plus grands criminels. Mieux que la fonction religieuse, son image carcérale domine dans l’inconscien­t collectif. Une prison. En voie de fermeture, certes, mais dont la réalité s’impose dès qu’on y pose le pied. L’atmosphère flirte avec une fin d’époque. Les bâtiments sont délabrés ou ruinés, des miradors sont abandonnés. Clairvaux a accueilli jusqu’à 3000 prisonnier­s au xixe siècle. Il n’en restait plus que 56 durant l’été 2021. Les visites guidées ne font pas abstractio­n de cette double vocation d’enfermemen­t. Pour la partie religieuse, tout démarre en 1115. Fondée en pleine nature, Clairvaux est alors la quatrième abbaye cistercien­ne bâtie en France. Jusqu’au milieu du xiiie siècle, 500 personnes y vivent, des moines et des convers. Issus des familles pauvres des environs, ces derniers viennent trouver gîte et couvert, en échange de travaux manuels. Il y a de quoi faire sur les plus de 20000 hectares de terres. Vignes, forêts et labours occupent les journées. En 1708, à l’étroit, les moines reconstrui­sent l’abbaye. Tout est démoli sauf l’église et le bâtiment des convers, seul vestige de l’époque médiévale.

Et quel vestige ! Cellier à croisées d’ogives, immense réfectoire et dortoir voûtés: sur trois niveaux, il exprime son parfait dépouillem­ent cistercien.

BÂTIMENT DES CONVERS, ATELIER POUR PRISONNIER­S

Après la Révolution, tout change. L’état rachète Clairvaux en 1808 avec l’intention d’en faire une prison. L’église médiévale est mise à terre pour récupérer les matériaux. Une chapelle est élevée, avec la vocation de « redresser » les enfants. Le site est clos, donc sûr: le travail et l’esprit religieux ne pourraient-ils pas remettre

en prime les détenus dans le droit chemin? Le bâtiment des convers est transformé en atelier de travail pour hommes et fonctionne jusqu’en 1955. Les autres édifices abbatiaux du xviiie siècle accueillen­t les cellules, occupées jusqu’en 1971. Émotion garantie devant une salle collective de 25 m² où s’entassaien­t 25 prisonnier­s. Stupeur devant ces « cages à poules » d’un dénuement total, utilisées la nuit pour enfermer certains détenus. Une autre prison plus moderne sort de terre dans les années 1960. Y passeront les terroriste­s Carlos et Anis Naccache, le tueur Guy Georges… Elle fermera en 2023. Que fera l’état des 30 hectares de site qui lui appartienn­ent encore?

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 ?? ?? Page de gauche : Le dortoir des convers, avec son plafond voûté, dans le bâtiment des frères convers, construit au xiie siècle.
Ci-dessus : La prison pour enfants (au centre) et les ateliers (à droite).
Ci-contre : Ancien bâtiment des frères convers converti en grange.
Page de gauche : Le dortoir des convers, avec son plafond voûté, dans le bâtiment des frères convers, construit au xiie siècle. Ci-dessus : La prison pour enfants (au centre) et les ateliers (à droite). Ci-contre : Ancien bâtiment des frères convers converti en grange.

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