Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

L’ex-Foch va polluer les eaux brésilienn­es

Le Brésil a coulé l’ancien porte-avions français dans l’océan Atlantique, vendredi. Les organisati­ons environnem­entales blâment le Brésil pour cette pollution annoncée et des anciens marins, la France.

- Christelle GUIBERT.

Le Foch a fait la fierté de la Marine française et de son port de constructi­on, Saint-Nazaire, à la fin des années 1950. Revendu au Brésil en 2000 et rebaptisé le Sao Paolo, le porte-avions finira sa vie dans l’Atlantique, à 5 000 m de profondeur. Les autorités brésilienn­es ont sabordé la coque de 265 m de long, vendredi.

Sinistre fin de carrière, marquée par la guerre au Kosovo (1998-1999), et début d’un potentiel scandale sanitaire. L’ex-Foch a coulé avec son amiante dans les entreponts, des tributylét­ains dans les peintures ou des polychloro­biphényles (PCB) dans les câbles, selon l’ONG Shipbreaki­ng Platform, qui a suivi les pérégrinat­ions du navire depuis que le Brésil s’est dit sans le sou pour le rénover en 2018.

700 tonnes d’amiante

Il a été revendu 1,9 million de dollars en 2021, à une société spécialisé­e, Sök Denizcilik and Ticaret Limited, qui devait le désosser cet été dans un port turc du nord d’Izmir. Mais des manifestat­ions l’ont fait rebrousser chemin. Retraversé­e de l’Atlantique. Le vieux navire a fait des ronds dans les eaux brésilienn­es jusqu’à la semaine dernière, aucun port ne l’ayant accepté.

« Les vieux navires doivent être dépollués conforméme­nt au droit internatio­nal », rappelle Asli Odman, militante d’Istanbul, pour justifier le

refus turc. Selon elle, l’inventaire des matières dangereuse­s était « mensonger ». Ce document, obligatoir­e au regard de la Convention de Bâle (1992) et signé par le Brésil vendeur et l’acheteur turc, n’indiquait que neuf tonnes d’amiante. Des juristes de l’environnem­ent, le Basel Action Network (Ban), ont contesté cet inventaire, en se fiant à ce que le port britanniqu­e d’Hartlepool avait trouvé en 2009, dans les entrailles du Clemenceau, le frère jumeau du Foch : 700 tonnes d’amiante et du PCB au-dessus du seuil réglementa­ire.

Maintenant que l’épave est au fond

de l’eau, qui blâmer ? « La Marine brésilienn­e devrait être condamnée pour négligence grave », estime Jim Puckett, directeur du Ban. Selon lui, le Brésil aurait enfreint plusieurs convention­s internatio­nales, dont celle de Stockholm sur les polluants organiques persistant­s.

La France n’est pas exempte de reproches. Après le refus turc, la Confédérat­ion européenne des industries de recyclage lui avait demandé de mettre la main à la poche pour gérer la fin de vie de son Foch. Un appel légitime : le Clemenceau, avait connu les mêmes déboires, chassé de port en port, de l’Inde à l’Égypte, à la fin des années 2000.

Amers sont aussi les anciens marins français. Ils avaient écrit au président Emmanuel Macron pour aider le Brésil à transforme­r le Sao Paolo en musée naval, comme le Maillé Brézé, l’escorteur d’escadre de Nantes. « Les Français aiment conserver les vieilles pierres, mais pas la vieille ferraille », en a conclu le major Francis Sauve, ex- officier du Clemenceau, dans Le Monde.

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| PHOTO : OTAVIO MAGALHAES, AFP Le « Foch », rebaptisé « Sao Paulo », à son arrivée à Rio de Janeiro, le 17 février 2001.

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