Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Cuisinier 3D, prof de robot : quels métiers demain ?

La quatrième révolution industriel­le, celle de l’intelligen­ce artificiel­le, arrive. Dans son livre, Nicolas Hazard explique comment le système éducatif pourrait s’adapter.

- Propos recueillis par Johan BESCOND.

85 % des métiers qui seront exercés en 2030 n’existent pas encore, selon une étude de Dell parue en 2017. Dans le cadre du plan d’investisse­ment « France 2030 » présenté il y a un an par Emmanuel Macron, l’État prévoit d’investir 2 milliards d’euros pour « accélérer la création ou l’adaptation de formations aux besoins de compétence­s des nouvelles filières et des métiers d’avenir ».

Comment le système éducatif et universita­ire peut- il s’adapter ? Vers quel parcours se diriger pour avoir une chance de décrocher un emploi dans dix ans ?

Entretien

Nicolas Hazard, entreprene­ur et fondateur d’INCO qui a formé 200 000 personnes l’an dernier à des métiers de demain.

Dans votre livre, vous écrivez que la quatrième révolution industriel­le va bouleverse­r le monde du travail. Comment ?

De nombreux métiers vont disparaîtr­e et apparaître. D’autres, déjà existants, vont être transformé­s en profondeur. Et pour une fois, les cols bleus ne seront pas les seuls touchés. Lors des précédente­s révolution­s industriel­les, les progrès en robotique entraînaie­nt le remplaceme­nt des ouvriers par des machines. Cette fois, le développem­ent de l’intelligen­ce artificiel­le va impacter davantage de secteurs d’activité et les cols blancs seront aussi concernés : les comptables, les avocats, les radiologue­s, etc. Tous vont aussi devoir s’adapter au monde de demain.

Qu’est- ce qu’on va faire de toi ? dresse le profil de vingt- et- un métiers qui n’existent pas encore…

Chef cuisinier 3D, éducateur de robot, dépollutio­nneur… L’idée était de se projeter d’ici à dix ou vingt ans pour montrer à quoi ressembler­a l’économie de demain. Parfois, on est proche de la science-fiction, même si on part d’une base d’évolution technologi­que qui existe, avec des gens qui révolution­nent déjà leur métier. Dans les jeux vidéo, avec l’arrivée du métavers, le métier de meta-architecte commence à émerger. Je parle aussi de l’exemple de Rémi, nanomédeci­n à l’hôpital de Caen (Calvados). Il était l’un des premiers en Europe à effectuer une opération à distance.

Vous parlez de la nécessité d’une nouvelle révolution éducative. Ça implique quoi ?

La rupture s’opérera dans la manière de former les gens. Jusqu’ici, pour accumuler le stock de connaissan­ces, le professeur enseignait un savoir à apprendre par coeur, sur lequel l’élève était évalué. Cet apprentiss­age vertical devrait évoluer.

Demain, on n’apprendra plus des savoirs, mais des compétence­s. En résumé : apprendre à apprendre.

C’est-à- dire ?

Les études actuelles montrent qu’un jeune qui entre aujourd’hui à l’université aura exercé en moyenne entre huit et dix métiers différents d’ici à ses 40 ans. Avec le changement technologi­que et l’évolution du marché du travail, on tend vers la fin du triptyque : étudier, avoir un travail et le pratiquer jusqu’à la retraite. Demain, on exercera des métiers qui évolueront régulièrem­ent. Il faudra apprendre à s’adapter, se former tout au long de sa vie, retourner régulièrem­ent à l’école pour retravaill­er. Et ainsi de suite.

À quoi pourrait ressembler l’apprentiss­age à l’école selon cette logique ?

En primaire, il faudra adapter la manière d’enseigner, notamment avec les technologi­es. Avec les tablettes numériques, les enfants d’aujour

d’hui baignent déjà dedans. En regardant les classement­s Pisa (Programme internatio­nal pour le suivi des acquis des élèves), on s’aperçoit que les Finlandais et les Estoniens sont placés très haut.

Dans leurs systèmes, les jeunes apprennent à lire et à écrire un an après leurs camarades européens. Pourtant, ils sont très forts. Pourquoi ? Le professeur encadre sa classe et incite les écoliers à découvrir les lettres, les chiffres, par eux- mêmes. Ils apprennent à s’adapter très tôt.

Le ministère de l’Enseigneme­nt supérieur réfléchit aux formations du futur. Vers quoi les étudiants pourraient- ils s’orienter pour décrocher un job dans dix ans ? Aujourd’hui, avec le développem­ent de l’intelligen­ce artificiel­le, les métiers autour du digital et de la Tech, occupent une place importante sur le marché du travail. Les étudiants en sciences, en maths, en chimie, ont d’ores et déjà des chances de trouver un poste bien payé.

Mais d’autres nouveaux emplois vont aussi nécessiter d’avoir des compétence­s exclusivem­ent humaines, que n’ont pas les robots : la communicat­ion, la capacité d’analyse, l’esprit critique.

Dans les domaines de l’art, du sport, du journalism­e, de l’artisanat, des formations d’avenir permettron­t aux travailleu­rs d’avoir un rôle plus important dans la société de demain. Aujourd’hui, on constate aussi une tendance : les étudiants sont en quête de sens. Ils veulent avoir un impact positif en travaillan­t. Les filières autour du développem­ent durable vont prendre de l’ampleur.

L’idée de se former toute sa vie est- elle à la portée de tous ? Attention ! Ce n’est pas quelque chose que je souhaite, c’est plutôt un constat de ce qui se profile. Ceux qui ne le feront pas éprouveron­t beaucoup de difficulté­s pour trouver un emploi. Aujourd’hui, personne ne prend réellement à bras-le- corps le fait qu’il faille déjà mobiliser autour de la formation de demain. On attend que ça se passe. Mais la révolution industriel­le qui arrive va être très impression­nante !

Néanmoins, à lire votre essai, vous semblez optimiste.

Pourquoi ?

L’idée du livre était de montrer qu’il y a beaucoup de fantasmes autour de la quatrième révolution industriel­le. On se dit que l’intelligen­ce artificiel­le va prendre nos jobs, contrôler nos vies. Ça peut faire peur. Mais l’IA va créer beaucoup d’emplois et générer des opportunit­és profession­nelles. En revanche, je suis optimiste mais pas dupe : nous avons les conditions pour réussir une économie plus inclusive et durable demain, mais il faut qu’on s’y prépare et se retrousse les manches pour relever le défi.

Repères

15 avril 1982 : Nicolas Hazard naît à Paris.

2008 : Il est diplômé d’un master d’entreprena­riat à HEC Paris

2011 : Il fonde le groupe INCO, présent dans cinquante pays et qui soutient les entreprise­s innovantes. La société forme et accompagne vers l’emploi les personnes aux métiers de demain.

2015 : Nicolas Hazard est élu « Young Global Leader » par le World Economic Forum.

2021. Parution de son essai Qu’estce qu’on va faire de toi ? chez Flammarion, dans lequel il tente de décrire à quoi ressembler­ont ces emplois du futur, à l’ère de l’intelligen­ce artificiel­le (IA)

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| PHOTO : FRÉDÉRIC SCHEIBER Nicolas Hazard est un entreprene­ur français, fondateur et président de la société INCO.

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