Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« Une très belle surprise » : ils ont quitté Paris pour d’autres grandes villes

La population de la capitale poursuit son déclin. Un phénomène d’exode remis au goût du jour par la pandémie. Mais qui sont ces Parisiens qui s’en vont ?

- Arnaud FOCRAUD.

« Il y a beaucoup plus de positif que de négatif à avoir quitté Paris ! » Laurine et Jérémy ont emménagé à Nantes au printemps 2021, juste après avoir eu leur deuxième enfant. Laurine, 31 ans et originaire d’Ille- et-Vilaine, raconte : « Nous étions un peu le cliché parisien. Nous habitions en petite couronne dans un 55 m², au troisième étage sans ascenseur. On commençait à être un peu serré. Et c’est vrai qu’à côté, on appréciait de revenir dans ma famille en Bretagne le week- end, de passer du temps dans le jardin… »

Chasse au logement

Jérémy, Parisien pur jus ayant toujours vécu dans la capitale, était du même avis. « Paris n’a jamais été un endroit où j’envisageai­s de faire grandir mes enfants », énonce- t- il. En s’installant dans une maison à La Chapelle- sur- Erdre, au nord de Nantes, le couple a enfin trouvé de l’espace. « Moi qui ai grandi à cinq dans un 65 m² à Paris, nous avons aujourd’hui le double, j’ai l’impression de vivre dans un château ! » s’enthousias­me le jeune père de 33 ans. Les conjoints accèderont même bientôt à la propriété, pour la première fois de leur vie.

Pourtant, tout n’a pas été simple, reconnaiss­ent les nouveaux arrivants. « On ne pensait pas qu’il était aussi difficile de trouver un logement à Nantes, constate Laurine. Il y a peu d’offres et beaucoup de demandes. Les prix ne se négocient pas. Et si on ne visite pas le bien tout de suite, il nous passe sous le nez. »

Les changement­s d’emploi ont compliqué un peu plus cette quête, même si Jérémy, directeur de clientèle dans le secteur des assurances, a facilement obtenu un poste. La jeune mère de famille, elle, « a mis six mois à retrouver du travail à l’issue de [son] congé maternité ». Elle est actuelleme­nt responsabl­e administra­tive et financière d’une société qui vend des bureaux. L’écart de rémunérati­on avec Paris l’a surprise. « Aujourd’hui, j’ai un salaire inférieur au chômage que je touchais, qui était calculé sur mon salaire parisien. Alors qu’en réalité, la vie à Nantes n’est pas beaucoup moins chère qu’à Paris. »

Le couple reste heureux de sa nouvelle vie. Jérémy s’est surpris à nouer des liens avec son voisinage, ce qui n’arrivait plus à Paris. « On sait pourtant qu’on peut être mal vu, on arrive avec nos salaires parisiens, on fout en l’air le marché immobilier… » reconnaît- il. Laurine confie tout de même son astuce qui lui a permis de s’intégrer plus facilement à Nantes : « Je dis surtout que je suis originaire de Rennes, ça passe mieux ! »

« Retrouver une ville à taille humaine »

Il « adore le train ». C’est toujours mieux quand on doit le prendre chaque semaine pour revenir travailler à Paris. Mathieu Michal, 37 ans, fait partie de ceux qui ont changé de vie sans changer d’emploi. En l’occurrence, le néo- Rennais, arrivé en septembre 2021 avec sa conjointe Émilie, est depuis six ans à la tête de sa société de production audiovisue­lle, Portemire, qui emploie cinq salariés. « On essaie d’être agile sur le télétravai­l, explique l’ancien Parisien. Ce que je m’autorise à titre personnel vaut bien sûr pour tout le monde. »

Jusque-là, Mathieu était à Rennes plutôt autour du week- end et dans la capitale du mardi au jeudi. Mais c’était avant qu’il ne devienne père d’un petit Axel, il y a quelques mois. « J’évite d’être trop longtemps à Paris désormais. Je préfère faire l’aller- retour sur une journée, le mardi et le jeudi par exemple. »

Fini la « cage à poules »

Le jeune PDG n’est pas le premier à être parti de la capitale en quête d’une meilleure qualité de vie. Il rembobine : « Je suis Parisien, j’ai toujours vécu à Paris mais un peu avant de monter la boîte avec mon associé, j’ai commencé à avoir un tropplein. » Avec sa « cage à poules » de moins de 30 mètres carrés, « la moitié de [son] salaire partait dans le loyer ».

Pour lui, comme pour beaucoup d’autres, l’irruption du Covid-19 a été un déclic en mars 2020. « Je suis parti vingt- quatre heures avant le confinemen­t dans la maison familiale, en Finistère- Sud. Ma compagne, avec laquelle je ne vivais pas encore, m’a rejoint et à la fin du confinemen­t, en mai, la décision de s’installer ensemble s’est imposée naturellem­ent. »

Fini la cage à poules. Trois mois plus tard, le couple pose ses cartons à Rennes dans un appartemen­t de près de 80 m². « C’était inimaginab­le d’avoir ça à Paris ! Je ne me paie pas un grand salaire et on a beau être patron, ça n’impression­ne pas du tout les propriétai­res ! » Le couple, qui a toujours connu la vie urbaine, n’est en tout cas pas dépaysé. « Nous n’étions pas à une étape de notre vie où nous voulions vivre dans une petite maison à la campa

gne, nous voulions surtout retrouver une ville à taille humaine et être avec des gens qui prennent du plaisir à y vivre, pas au milieu de millions d’anonymes. » Un exemple ? « Ici, les gens se tiennent la porte ! »

Un retour à la nature

« Les montagnes, c’est quelque chose qui m’effrayait… » L’arrivée de Marine Godtschalc­k à Grenoble, en

septembre 2020, ressemblai­t à un saut dans l’inconnu. Après le premier confinemen­t, la Parisienne décide de rejoindre son compagnon. « Je n’étais sûre que d’une chose, c’était

du candidat ! » sourit- elle. Du lieu, beaucoup moins. La femme de 32 ans est née à Pessac (Gironde), a grandi en région parisienne, a fait ses études dans la capitale et, après une parenthèse heureuse de trois ans au Canada, est revenue travailler à Paris en 2019, en tant que directrice d’un restaurant d’insertion sociale. Ce déménageme­nt à Grenoble a finalement été « une très belle surprise », confie celle qui a découvert le bonheur de sortir dans la nature le weekend. « C’est à se demander ce que je faisais avant. Pour la première fois de ma vie, j’ai été triste de quitter l’hiver », ajoute- t- elle.

Pourtant, cette écologiste convaincue a vite déchanté. « La question climatique nous pousse aujourd’hui à partir », tranche Marine Godtschalc­k, devenue consultant­e en alimentati­on durable. Dans la « cuvette » de Grenoble, elle n’avait « jamais vécu d’été aussi chaud ». Mais plus largement, elle pense avoir atteint les limites de sa quête d’un mode de vie durable. « Je veux vivre dans un endroit où on peut encore s’alimenter le plus localement possible. Or, dans la région de Grenoble, on peut voir à quel point les effets du changement climatique sont catastroph­iques pour les récoltes. »

Trouver son idéal

C’est aussi parce que la jeune femme va devenir mère prochainem­ent qu’elle se projette vers d’autres horizons. « Je ne veux pas faire vivre à ma famille un enfer climatique », résume- t- elle. La réflexion est toujours en cours sur le futur lieu de destinatio­n. Marine Godtschalc­k n’est pas fataliste. « Ce choix sera sans doute celui du moins pire, et d’autres paramètres vont aussi entrer en ligne de compte, comme l’articulati­on avec notre vie profession­nelle ou la proximité avec notre famille. Mais je suis convaincue qu’il y a des endroits en France où il fait mieux vivre que d’autres. »

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| PHOTO : COLLECTION PRIVÉE Chef d’entreprise, Mathieu Michal est installé à Rennes depuis septembre 2021.
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| PHOTO : COLLECTION Marine Godtschalc­k sur la passerelle himalayenn­e du Drac, au sud de Grenoble.
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| PHOTO : COLLECTION PRIVÉE Jérémy et Laurine chez eux à La Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes.
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« Paris se vide régulièrem­ent de ses habitants dep
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| PHOTO : ARCHIVES FRANCK DUBRAY, OUEST FRANCE plus de cinquante ans », explique François Dubujet, responsabl­e des études démographi­ques et sociales à l’Insee Île-de-France.

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