Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Face au réchauffement, que penser du nucléaire ?
Alors que l’Europe a exclu puis intégré le nucléaire parmi les énergies à subventionner, la maîtrise des risques pose cruellement question.
Ghislaine Buffard, réalisatrice de l’enquête Le nucléaire : une solution pour la planète ?
Qu’est-ce qui a déclenché cette enquête ?
En 2019, le Parlement européen avait exclu le nucléaire de la « taxonomie verte », une sorte de label permettant d’attirer massivement des investissements publics et privés. Mais, peu après, un rapport interne de la Commission a conclu que le nucléaire n’avait pas un impact sur l’environnement plus dommageable que d’autres énergies classées vertes. Et en juillet 2022, ce revirement a été entériné par une majorité de députés européens. Un tel changement mérite un état des lieux approfondi et un débat.
Le réchauffement climatique fait-il oublier les risques nucléaires ? Avec l’accélération du réchauffement, les risques sont passés au second plan. Le but de ce film n’était pas de multiplier les propos pour ou contre, mais de se faire une idée plus précise et concrète des réalités. La filière nucléaire peut- elle, et comment l’envisage-t- elle, maîtriser les risques d’accidents ? Stocker les déchets radioactifs ? Ou encore recycler des
déchets « décontaminés », comme le fait déjà l’Allemagne avec l’acier d’une centrale en démantèlement depuis trente ans ?
Vous avez visité le laboratoire de stockage de Bure.
Après une descente de sept minutes en ascenseur à 500 mètres de profondeur, on a l’impression d’être dans les couloirs d’un métro sans métro. Pour le moment, c’est un laboratoire qui préfigure ce que devrait être le site de stockage Cigéo. En regardant les images virtuelles montrant le fonctionnement intégralement robotisé du site, on a l’impression d’entrer
dans un film de science-fiction, avec des navettes automatisées chargées de déchets cheminant dans ce souterrain de 270 km.
Un stockage « pour l’éternité », avec quels risques ?
En 2150, il est prévu que le site Cigéo soit scellé « pour l’éternité », sans plus aucune intervention possible. Le risque le plus redouté est le feu. En 2018, l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) l’a pointé pour un type de déchets particulièrement inflammables, les déchets de moyenne activité à vie longue bitumés (MAVL). Soit près de 20 % des colis que l’on prévoit d’entreposer à Cigéo. La dangerosité de ces déchets en milieu souterrain pose question.
L’Allemagne, qui a peu de nucléaire, développe davantage les énergies renouvelables, avec une forte implication citoyenne.
En Allemagne, 40 % des énergies renouvelables sont produites par des coopératives citoyennes. Agriculteurs, municipalités, groupes d’habitants ont fondé un millier de coopératives qui produisent de l’électricité issue des énergies éolienne, solaire et hydraulique. Certaines sont de grande envergure. Comme celle fondée par Ursula Sladek, une mère de famille de la Forêt-Noire, qui a mené un long combat pour racheter le réseau communal et créer une coopérative (EWS), qui fournit aujourd’hui 220 000 clients à travers le pays.
De telles coopératives existent-elles en France ?
Le réseau Énergie partagée accompagne 300 projets citoyens d’énergies renouvelables, ce qui reste très peu par rapport à l’Allemagne.
Propos recueillis par Sonia LABESSE.
Public Sénat, 13 h 30.