Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Comment surmonter la rivalité féminine ?
Psycho. Nourrie par une misogynie intériorisée, la rivalité féminine gangrène les relations du quotidien. À l’ère de la sororité, de plus en plus de voix s’élèvent pour briser le tabou.
Élisabeth Cadoche, journaliste et Anne de Montarlot, psychothérapeute, coautrices d’En finir avec la rivalité féminine (21 €, Les Arènes).
Pourquoi s’être penché sur la question de la rivalité féminine ?
Pour notre précédent ouvrage, nous avons enquêté sur le syndrome d’imposture que peuvent ressentir certaines femmes. On a demandé à nos interlocutrices d’identifier un événement qui aurait pu leur faire perdre confiance en elles. On a alors recueilli des témoignages glaçants : des phrases assassines prononcées entre mère et fille, entre soeurs, du harcèlement au travail… Puis nous nous sommes livrées à une introspection. Nous avions aussi, dans notre vie personnelle, des histoires de rivalité féminine, où nous étions parfois victimes et parfois bourreaux.
D’où vient cette rivalité ?
Il y a plusieurs explications : biologique, historique, sociologique, psychologique… Le lien à la mère prédispose en partie notre relation aux femmes. Mais on est surtout conditionnées par les stéréotypes de genres, que l’on rencontre tôt. Dans les contes, les hommes s’affrontent, transmettant l’idée qu’ils se réalisent dans la lutte, tandis que les femmes sont validées par leur apparence et la maternité. Ainsi les femmes sont parfois des loups pour les autres femmes, mais selon des critères masculins.
De la misogynie intériorisée en somme…
Oui et pour l’illustrer, on parle du « male gaze », ou regard masculin, concept théorisé par la réalisatrice Laura Mulvey. Pour faire simple : la norme est toujours l’homme hétérosexuel. Et on a tellement intégré ce regard qu’on le reproduit, de façon plus ou moins consciente. Quand on critique une autre femme, on projette ses failles sur elle. C’est aussi un problème de confiance en soi et donc de notre responsabilité. Continuer à médire sur d’autres femmes, c’est perpétuer le phénomène.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Depuis le mouvement #Metoo, la sororité s’affiche partout. Dans les faits, il y a un certain décalage. Même s’il y a un désir de s’unir pour combattre le patriarcat, des réflexes archaïques persistent, y compris chez les plus jeunes, que l’on dit plus sensibles aux inégalités. Cela nous paraissait donc essentiel de briser ce tabou pour pouvoir avancer vers une réelle sororité.
Comment faire ?
Il faut s’interroger sur ce sentiment et accepter cette dualité. On peut être jalouse et bienveillante avec une femme que l’on aime. Entre soeurs, entre amies, il faudrait pouvoir en parler, plutôt que d’utiliser l’agressivité indirecte (ragots…). On peut aussi s’inspirer de modèles de solidarité féminine, réagir aux propos sexistes, se faire la courte échelle en se complimentant. Comme le dit Christophe André : « Un bon remède à l’envie, c’est l’admiration. »