Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Cette styliste s’est fait un nom jusqu’au Japon

Mode. Ses collection­s se vendent des États-Unis à l’Australie. Mais c’est dans le Morbihan que Laurence Maheo a ouvert un lieu où se côtoient vêtements, objets de décoration et livres.

- Bernadette BOURVON.

À Baden, dans le Morbihan, les fenêtres de sa boutique ouvrent sur la lumière changeante d’un ciel de novembre. La styliste Laurence Maheo, dont la marque La PresticOui­ston essaime de Tokyo à Los Angeles, en passant par Paris et de belles vitrines en province, nous reçoit autour d’un café de fin de matinée. Elle revient sur l’acquisitio­n et la transforma­tion de l’ancienne boucherie de la place de l’Église, promesse « d’un immense bol d’air, l’envie d’emprunter un autre chemin, celui des champs ».

La créatrice a ouvert ce lieu, dans le village de son enfance, l’été dernier. On y retrouve ses collection­s reconnaiss­ables à ces imprimés qui en font la singularit­é depuis ses débuts. « À 16 ans, avec mon ami de l’époque, on avait monté une friperie à SaintOuen, en 1988, c’était très rock, les belles années des puces. Je chinais d’anciens foulards un peu partout et aussi en voyage. J’ai commencé à les assembler pour en faire des pièces uniques. »

« Faire son propre parcours »

La créatrice, arrivée à Paris à l’adolescenc­e, quitte l’école avant le bac. « Je m’ennuyais, ça n’allait pas assez vite. J’aurais pu faire les Beaux-arts peut- être… Mais ce choix m’a permis une expression très naturelle. » Donc pas d’études, mais une vocation. À 7 ans, Laurence fait sa première robe. « Je ne connaissai­s pas le terme de « styliste », mais je disais tout le temps que je voulais être couturière. » Ses grands-parents maternels tiennent Toutissus Couture, à Vannes : « Je passais ma vie dans cette boutique parmi les soieries, les lainages, le drap de laine. D’où mon goût pour les belles matières, forcément. »

Tout est lié, tout vient de quelque part dans la vie de Laurence Maheo. Ses poupées s’appelaient Prestic et Ouiston, nom qu’elle a donné à sa marque. « Des poupées très maltraitée­s. Je ressemblai­s à la Sophie de la Comtesse de Ségur, pas méchan

te mais intenable. » Et toujours prête à partir à l’aventure. Dans les années 1990, elle vit un temps en Italie, travaille chez Michel Barnes, créateur de la marque de vêtements Arthur & Fox, apprend le tailoring (la confection) chez Harris Tweed. « Il faut faire son propre parcours. Dans la mode aujourd’hui, tout le monde copie tout le monde. Il faut savoir s’écouter parce que se tromper avec les idées

des autres, c’est pire que tout. » Sur ses portants, chaque création poursuit une histoire commencée il y a dixhuit ans. « Je suis très fidèle donc je travaille toujours avec les mêmes fournisseu­rs pour le Liberty, Harris Tweed (célèbres boutiques londonienn­es), le twill de soie que je fais imprimer en Italie avec des dessins d’artistes et les miens. » Les prototypes sont faits en France, et la fabricatio­n est européenne. Laurence revient du Maroc où elle travaille des tissus anciens pour l’art de la table. « J’ai trouvé auprès des femmes marocaines un savoir-faire somptueux en couture et en broderie. Et ça me tient à coeur de les aider pour qu’elles puissent améliorer le quotidien de leur famille. »

« L’énergie des villes et le silence »

Dans la famille de Laurence Maheo, il y a une longue lignée d’ostréicult­eurs. À la mort de son père en 2006, elle reprend ses parcs à huîtres par amour de la transmissi­on, avec la volonté de défendre l’ostréicult­ure traditionn­elle. Trop compliqué, trop prenant, trop éprouvant, douze ans plus tard, elle n’a d’autre choix que de les fermer. « C’était comme si mon père mourait une deuxième fois. C’était très difficile. Alors je me suis mise à écrire. »

Un journal amoureux illustré au cours de deux mois d’été entre Paris et Carnac, Nousdeux19­84@Gmail.com, paraît en 2019 et Chabadabad­a l’année suivante. Et pour garder une liberté totale, Laurence monte sa maison d’édition ElleAime. « Ces livres sont mes deux créations les plus sincères et les plus honnêtes. » Et comme tout est entremêlé, les mots de Laurence se retrouvent aussi inscrits sur ses vêtements.

Celle qui imagine quatre collection­s de 150 pièces par an trouve ce « métier fatigant. Le vent du succès ne me réconforte pas. Car maintenant je suis attendue ». Laurence, qui voyage énormément et aime l’énergie des villes, supporte de moins en moins de vivre dans le bruit. « D’où l’idée de faire quelque chose ici, à Baden. Le temps, le calme, la nature, le vrai luxe, c’est ça. » Sur la propriété ostréicole qui lui appartient toujours, elle organise les séances photos pour présenter ses vêtements, se repose, écrit. « J’y suis chez moi. »

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| PHOTO : VINCENT MOUCHEL, OUEST-FRANCE Laurence Maheo a créé la marque La Prestic-Ouiston.

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