Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« Je ne suis pas l’entraîneur tout-puissant »

Après une première expérience à Nice, entre 2010 et 2011, Eric Roy a touché à tout. Il a retrouvé un banc début janvier, et a redressé le Stade Brestois en l’espace d’un mois, à la surprise générale.

- Thomas GUILLAUME.

Grégory Lorenzi a souvent le téléphone scotché à l’oreille, mais sort la plupart du temps des radars. Le directeur sportif avait reçu beaucoup d’appels, beaucoup de textos entre octobre et décembre. Hantz, Casoni ou Dupraz s’imaginaien­t bien à la pointe du Finistère, mais Lorenzi avait une idée bien en tête, et s’était donné du temps.

Il ne voulait pas replonger, redonner les clés à quelqu’un du sérail, « qu’on a vu et revu ». La période Der Zakarian avait laissé des traces, il fallait du « neuf, du jeune ». C’était l’envie, c’était le discours, mais le 3 janvier – 84 jours après l’éviction de MDZ –, Lorenzi avait surpris tout son monde.

« Quelqu’un m’avait prévenu que les dirigeants venaient de rencontrer un coach, nous raconte un proche du Stade Brestois. Il m’a dit : « Je ne connais que ses initiales : E. R ». Le soir, j’ai cherché qui ça pouvait être, je n’ai pas trouvé… »

« Je peux comprendre, j’ai lu, ce n’est pas très grave »

Tous les médias avaient épluché bien avant le site de l’Unecatef, et sa longue liste d’entraîneur­s libres et diplômés du BEPF : il y avait environ 160 noms, ce qui laissait la porte ouverte à plusieurs pistes, plus ou moins farfelues.

Celle d’Eric Roy n’est jamais sortie, et Grégory Lorenzi s’en était amusé après sa conférence de presse de présentati­on. Mais durant celle- ci, il avait eu un ton plus ferme, et précisé les choses : « On voulait un jeune entraîneur, mais quand je dis jeune entraîneur, c’est aussi quelqu’un qui n’a pas forcément entraîné pendant longtemps ».

Eric Roy n’avait effectivem­ent plus coaché depuis son court passage à Nice, entre mars 2010 et novembre 2011 (« Je suis jeune dans le métier, même si à 55 ans je ne suis pas très vieux non plus », sourit Roy), et son arrivée a évidemment été entourée de questions, voire de scepticism­e. « Je peux comprendre, j’ai lu, mais ce n’est pas très grave, explique le Niçois. La seule chose que je me disais, c’est que tous nos concurrent­s directs allaient se dire « Bon, Brest… ». Tant mieux finalement. Pour bien vivre, vivons caché. C’est bien qu’on nous laisse un peu tranquille, qu’on fasse notre petit bonhomme de chemin. »

L’ancien milieu de terrain, passé par Nice, Toulon, Lyon ou Marseille dans sa carrière de joueur, et qui a enfilé plusieurs costumes ensuite (directeur du marketing, de la communicat­ion, manager, directeur sportif, consultant dans les médias) a compris cette défiance, sans se formaliser. « Si mes débuts à Brest sont

une fierté ? Non. J’avais déjà prouvé à Nice. À l’époque, le club était en très grande difficulté. Ce n’était pas le même contexte, c’était mon club, j’étais au club, je connaissai­s bien les joueurs, je maîtrisais bien l’environnem­ent. Mes trois premiers matches, c’étaient trois victoires, on s’était presque sauvé en trois matches. Et sur onze matches, j’avais prouvé, c’était un sacré bilan pour une équipe moribonde. Je sais que je suis capable de fédérer, je sais que je suis capable d’emmener un groupe. »

« On est un peu cons, les sportifs… »

Pour l’instant, celui de Brest adhère (« On retrouve de la simplicité, de la légèreté, un peu comme avec Olivier Dall’Oglio », explique- t- on en interne), et sa communicat­ion est claire, posée. Vendredi, en conférence de presse, c’est le service « com » qui a mis fin aux débats après 32 minutes : il était 10 h, Eric Roy allait être en retard pour son briefing avant l’entraîneme­nt.

Roy discute, échange, délègue aussi : « Quand on est entraîneur, il faut être capable de prendre de la hauteur. C’est en tout cas ce que j’essaie de faire, et c’est pour ça que je m’appuie beaucoup sur le staff. Ma manière de coacher, de manager, ce n’est pas d’être l’entraîneur tout- puissant, qui sait tout, qui fait tout. »

Après un mois, la méthode fonctionne : Brest n’a pas perdu en Ligue 1 (une victoire, trois nuls), et a retrouvé (ou plutôt découvert) une solidité défensive. Eric Roy ne veut pas faire de bilan à si court terme (« Pour l’instant, je ne veux pas me retourner, car en ce moment on a pas mal la tête dans le guidon ») , car il sait que tout va très vite. Grégory Lorenzi, évidemment satisfait de la tournure des évènements, nous a également expliqué que ce n’était pas le moment.

Roy a redressé la barre, mais l’objectif à atteindre reste encore loin : « Je serai soulagé quand on aura une quinzaine de points de plus que le premier relégable, et ça n’arrivera pas cette saison », avait-il expliqué avant Lyon.

Le Niçois ne fanfaronne pas, il s’est imprégné de Brest, de ses codes. Il a souvent un mot pour les supporters, et a apporté sa grinta, celle qui l’accompagna­it déjà quand il galopait au milieu.

Et pour son premier match, il a enfilé l’écharpe rouge et blanche, qu’il ne quitte plus depuis : « D’abord, c’est parce que je n’en avais pas, et qu’il faisait frais quand je suis arrivé, sourit-il. Mais depuis que je la porte, on ne perd pas. Et nous, on est un peu cons les sportifs… Cette écharpe, ça veut aussi dire « Je suis un des vôtres ». On a besoin de s’identifier, de comprendre où l’on met les pieds. Je suis très attaché aux valeurs que peut véhiculer un club. On n’entraîne pas à Brest comme on peut entraîner à Nice, à Paris ou Strasbourg, parce que l’histoire est différente. La plus grande qualité pour un entraîneur, c’est de savoir s’adapter. »

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| PHOTO : MARC OLLIVIER Eric Roy : « La plus grande qualité pour un entraîneur, c’est de savoir s’adapter. »

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