Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Un jour à l’Assemblée, entre invectives et incident

Depuis lundi, la réforme des retraites électrise le Palais-Bourbon. Seuls deux articles sur les vingt du projet de loi ont été votés. Le temps est compté. Vendredi à minuit, le débat sera clos.

- Yves-Marie ROBIN.

Qui va très lentement ne va pas forcément sûrement au Palais-Bourbon… Depuis l’ouverture des débats sur la réforme des retraites, lundi à 16 h, l’Assemblée nationale prend son temps, sans trop savoir où elle va, contrainte de suivre le rythme imposé par La France insoumise et ses milliers d’amendement­s.

En quatre jours, dans une ambiance électrique permanente, seuls les deux premiers articles du projet de loi (sur vingt) ont été votés, à quelques voix près. La fin des régimes spéciaux (RATP, Banque de France, électricie­ns, gaziers…) a alimenté bien des passes d’armes durant quarantehu­it heures.

Un rien – ou davantage – fait rougir écarlate les bancs de l’hémicycle, de la majorité comme des opposition­s. La séance peut sembler calme, elle s’agite vite, puis s’apaise, jusqu’à une nouvelle montée en tension. La journée de vendredi en est un exemple. Elle s’est achevée par l’exclusion de l’Insoumis Thomas Portes.

Anacondas et tisane

À l’ouverture à 9 h, vendredi, il ne faut pas attendre très longtemps pour que les premiers esprits s’échauffent. C’est Sophia Chikirou (LFI, Paris) qui allume la première mèche. « Élisabeth Borne est un bourreau, infligeant deux ans de galère aux travailleu­rs », lance- t- elle. Colère de Renaissanc­e face à cette « attaque gratuite ». Le parti multiplie les rappels au règlement. Le temps s’écoule en furie.

« Nous venons de perdre une heure », s’impatiente Thomas Ménagé (RN, Loiret). « S’il vous plaît, avançons », tente, sans succès, Jean-Paul

Mattei ( MoDem, Pyrénées-Atlantique­s). « Vos amendement­s ne servent à rien », ajoute, très agacé, le ministre du Travail Olivier Dussopt en direction de LFI. « C’est vous qui ne servez à rien », lui rétorquent les rangs mélenchoni­stes…

Brouhaha. La majorité se lève en colère, se rassoit, puis se remet debout face aux accusation­s lancées par les communiste­s. « Dire que la majorité crée l’obstructio­n, c’est faire avaler des anacondas aux Français », s’agace Fadila Khattabi (Renaissanc­e, Côte- d’Or). « Prenez de la tisane si vous êtes énervée »,

lui rétorque Sébastien Jumel (PCF, Seine-Maritime).

Malgré la volonté « d’avancer » – sur le travail des seniors, « les idées alternativ­es » au report de l’âge légal de départ à la retraite – promise par Jérôme Guedj (PS, Essonne) avant la pause de 13 h, la reprise des travaux est de nouveau très tendue en milieu d’après-midi.

Yaël Braun- Pivet, la présidente de l’Assemblée, profite de l’interventi­on de Thomas Portes (LFI, Seine- SaintDenis) pour exiger des excuses après son tweet contre Olivier Dussopt (une photo sur laquelle, ceint de son écharpe tricolore, il pose le pied sur un ballon à l’effigie du ministre du Travail) . Refus net de l’Insoumis. L’Assemblée surchauffe. Thomas Portes provoque, précise qu’il « retirera son tweet quand la majorité retirera sa réforme »…

« Se montrer digne »

Le bureau de l’Assemblée est convoqué en urgence. Après deux heures de délibérati­ons, le député est exclu quinze jours. Yaël Braun- Pivet invite chaque parlementa­ire « à se montrer digne de son mandat ». Mathilde Panot (LFI, Val- de-Marne) dénonce « une manoeuvre » de la majorité. « On peut nous enlever une voix. On ne fera pas taire les Français. »

Après une pause en circonscri­ption et manifestat­ion (pour certains), les députés se retrouvent lundi, avec l’article 2 au menu. Ils ont jusqu’au 17 février à minuit pour boucler l’examen de la réforme. À défaut, et quel que soit l’état d’avancement des discussion­s, le texte partira ensuite au Sénat. Il reste près de 16 000 amendement­s à décortique­r. « Quand je parle de politique, c’est souvent une catastroph­e (rires). J’ai du mal à accrocher car je trouve le spectacle assez honteux, pathétique. Personnell­ement, je n’ai aucune envie de prendre ma retraite, parce que j’adore mon métier. Mais je comprends que lorsqu’on fait les 3x8 en usine – où j’ai travaillé par le passé –, une retraite à 35 ans est bien plus indiquée. »

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| PHOTO : LUDOVIC MARIN, AFP Depuis l’ouverture des débats sur la réforme des retraites, l’Assemblée nationale prend son temps.
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