Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« Les enfants en résidence alternée ne vont pas plus mal »

- Propos recueillis par C. H.

Benoît Hachet, sociologue à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). (1)

« Garde alternée », « garde partagée », « résidence alternée… » De quoi parle-t- on ? L’expression « garde alternée » reste très utilisée, mais elle n’a plus de sens juridique depuis 1987. Le terme de « garde », qui associait résidence de l’enfant et autorité parentale, a été remplacé par celui de « résidence ». Depuis, sauf exception, l’exercice de l’autorité parentale est commun.

Y compris quand un enfant vit chez sa mère de façon principale – ce qui reste le cas le plus fréquent après une séparation. La loi du 4 mars 2002 a ensuite fait entrer la pratique dans le Code civil.

Vingt ans après la loi de 2002, 12 % des enfants de parents séparés sont en résidence alternée, selon l’Insee.

Est- ce un choix marginal ?

Ces dernières statistiqu­es, issues des chiffres du recensemen­t, traduisent

les pratiques réelles. Il faut les mettre en perspectiv­e avec ceux d’autres pays européens. Beaucoup d’associatio­ns de défense des droits des pères citent l’exemple de la Suède et la Belgique, où il y a 40 % d’alternance parmi les enfants séparés, pour souligner qu’il y en a peu en France.

Mais elles ne regardent jamais l’Italie, la Suisse ou l’Allemagne, où ça n’existe quasiment pas, avec des chiffres autour de 2 %.

C’est un phénomène qui augmente en France.

On a observé une hausse après 2007, date à laquelle les parents concernés ont pu partager les allocation­s familiales, mais il n’y a pas eu de « boom » de la résidence alternée en France. Mais plus c’est commun, plus c’est facile à vivre. Or, il y a eu un changement de discours dans la société.

Dans les années 2000, il y avait un discours psy assez réactionna­ire visà- vis de ce choix, mais après quinze ans d’expérience, on s’est aperçu que les enfants en résidence alternée ne vont pas plus mal et vont même parfois mieux que ceux qui vivent que chez un seul parent ou chez deux parents non séparés.

La résidence alternée, c’est un « truc de bobos » ?

C’est l’une des idées reçues. Avant 2002, cela concernait plutôt les urbains, diplômés… Désormais, proportion­nellement, il y a toujours plus de résidences alternées chez les catégories aisées et diplômées. Mais comme elles sont moins nombreuses que les catégories populaires, c’est plus équilibré. Cela touche tous les milieux sociaux. Et c’est plus commun en milieu rural et en périphérie des villes moyennes qu’en centrevill­e. Une des raisons étant les coûts d’accès au logement en ville, puisque l’alternance contraint les parents à être proches de l’école.

La résidence alternée contraint les parents et en même temps, beaucoup témoignent d’une liberté retrouvée…

J’ai mené des entretiens avec quarante- deux parents. À chaque fois, je demandais s’ils voulaient la résidence pleine de leurs enfants. Ils ont tous répondu : « Non, jamais je ne lâcherai ma semaine. » Beaucoup (re)découvrent le cinéma, le sport, la vie militante… Ce sont de vraies découverte­s, surtout pour les femmes, sur qui pèsent encore majoritair­ement la charge mentale, les tâches domestique­s et familiales. (1) Parent alternant pendant seize ans et auteur d’Une semaine sur deux, comment les parents se réinventen­t (2021, Les Arènes).

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| PHOTO : FLORENT KOLANDJIAN Benoît Hachet.

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