Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« Le climat n’est pas un outil qu’on peut réparer »
L’entretien du dimanche. Gérard Daboudet est le maire de la commune nouvelle Le Mené. Depuis 2005, cette cité investit massivement en matière d’énergie renouvelable et de développement durable.
Gérad Daboudet, maire de la commune nouvelle du Mené.
Depuis 2005, votre commune a massivement investi dans les énergies renouvelables et durables. Qu’avez-vous mis en place ?
Plusieurs choses : une unité de méthanisation de 15 GW réalisée avec le soutien de la commune, mais portée par un collectif d’agriculteurs ; une huilerie de colza ; deux parcs éoliens (dont un participatif) de 9,6 MW ; cinq chaufferies bois qui desservent 80 foyers, ainsi que des équipements communaux ( Ehpad, salle des fêtes, mairie…) et commerces (pharmacie, hôtel, banque…)
On a aussi effectué deux programmes de quinze maisons solaires thermiques et acheté 35 vélos électriques, dont la location est gérée par des artisans des communes déléguées. Ça fonctionne très bien ! Le Mené est également à l’origine du Tepos, né en 2011. Ce réseau se réunit chaque année et fait du partage d’expérience. Il regroupe 150 communes intéressées par l’énergie.
Vous pensiez atteindre votre autonomie énergétique en 2025, vous n’y serez pas. Pourquoi ?
En 2005, l’objectif avait en effet été fixé à 2025. Il est désormais reporté à 2030, faute de finances suffisantes. Nous ne voulons pas mettre la collectivité en danger. Actuellement, grâce à l’éolien, au solaire et à la méthanisation, nous produisons 60 % de l’énergie que l’on consomme.
Comment poursuivez-vous votre
objectif d’autonomie énergétique ? On procède à l’isolation des bâtiments. Treize logements ont été rénovés, ça peut paraître peu, mais cela correspond à 10 % de notre parc, et c’est tout de suite 400 000 € de travaux. Par ailleurs, deux parcs éoliens sont en projet à Saint- Gilles- du- Mené, Laurenan, Plessala et Mérillac. On continue aussi à développer le photovoltaïque. Des panneaux devraient être installés sur le toit du futur Ehpad (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et sur quelques toitures de maison individuelles. Enfin, une ombrière, réalisée par le syndicat départemental d’électricité à Saint- Jacut- du-Mené et un parc solaire, dans l’ancienne décharge de presque 4 ha, sortiront de terre.
La hausse du coût des matériaux et de la guerre en Ukraine a-t-elle un impact sur vos projets ?
Oui. Le projet de restructuration de l’Ehpad de Plessala est en train de prendre l’eau aujourd’hui. Nous prévoyions d’en faire un bâtiment quasiment passif, grâce à l’utilisation de matériaux biosourcés. Mais le coût des travaux est passé de 6 à 9 millions d’euros et l’Agence régionale de santé (ARS) et le Département n’ont pas augmenté leur dotation…
Vous avez aussi investi dans des moyens humains…
Oui. Nous avons deux agents communaux, diplômés à bac + 5, qui travaillent uniquement sur les énergies et le développement durable. On doit être l’une des rares communes du département dans ce cas. C’est un investissement important pour la commune, mais une vraie volonté politique. Leur mission est de suivre le fonctionnement de ce qui existe déjà, de suivre les travaux, de développer de nouveaux projets, de mettre en place des programmes de thermographie pour repérer les déperditions de chaleur, de faire du conseil à la population, etc.
Comment atteindre l’indépendance énergétique selon vous ?
Elle ne pourra être atteinte que grâce à un mix des énergies comprenant l’éolien, le photovoltaïque, la méthanisation et l’hydrogène. Plus ce genre d’énergies se développeront et moins on aura à aller chercher de l’électricité à Flamanville. Les grosses sociétés comme Total ne devraient d’ailleurs s’intéresser qu’à ces technologies, pour trouver des solutions moins polluantes.
Malgré tout, vous pensez qu’il faudra accepter de vivre dans une petite décroissance… C’est déjà le cas quand le gouvernement nous demande de moins consommer d’énergie, de faire des efforts. Pourtant, je pense que ce sont aux grands États de se mobiliser. Le drame est là en réalité. On nous demande de faire des efforts alors que nous ne sommes qu’une goutte d’eau dans le processus. On va atteindre la rupture avant que des actions soient menées, mais il sera trop tard. Le climat n’est pas comme un outil qu’on peut réparer.