Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Philippe Katerine, acteur par pur plaisir

Cinéma. Dans Voyages en Italie, Philippe Katerine et Sophie Letourneur tentent de redonner de l’élan à leur couple. Un nouveau rôle décalé pour un artiste qui l’est tout autant.

- Gilles KERDREUX.

Qu’il chante Louxor j’adore ou La banane, qu’il joue le maître-nageur du Grand bain ou le barde Assurancet­ourix dans le nouvel Astérix, Philippe Katerine cultive une forme de dérision permanente de lui-même.

Dans Voyages en Italie, nouveau film de Sophie Letourneur (Énorme), il est fidèle à cette ligne de conduite. Il y joue Jean-Philippe, en couple avec Sophie, jouée par la réalisatri­ce. Ces parents d’un jeune enfant, enfermés dans leur quotidien, ont perdu ce qui faisait le sel de leur relation. Ils tentent de retrouver le chemin de l’amour lors d’un séjour en Italie, alors que chaque geste du quotidien semble rappeler que les corps ont perdu de leur charme et qu’ils ne sont d’accord sur presque rien.

Un film minimalist­e qui n’a pas déstabilis­é les trois lecteurs de OuestFranc­e invités à rencontrer l’acteurchan­teur et l’actrice- réalisatri­ce. Au contraire. « En fait, l’Italie n’est qu’un cadre et l’important, ce sont les personnage­s », résume Victor Crusson, étudiant rennais de 23 ans en master environnem­ent.

Il est complété par Eva Guittard, étudiante en lettres de 19 ans et projection­niste bénévole dans un cinéma au nord de Caen (Calvados) : « J’aime bien qu’on entre vraiment dans l’intimité des personnage­s. »

« Les choses simples du quotidien »

Sophie Letourneur opine : « Je voulais montrer des choses très simples du quotidien. Celles qu’on considère habituelle­ment inutiles à raconter. Et d’en faire le coeur du récit. En évoquant la complexité du quotidien, le lien conjugal, le moment de la rencontre. En montrant toujours les deux côtés de la médaille, les choses et leur contraire. »

Géraldine Blanchet, 42 ans, fonctionna­ire territoria­le dans le domaine de l’insertion à Rennes (Ille- et-Vilaine), y voit une correspond­ance avec les chansons minimalist­es de Philippe Katerine, quand il s’arrête sur des

détails du quotidien.

Elle en profite pour questionne­r l’artiste sur ses inspiratio­ns de jeunesse. « Dans ma famille, il y avait des artistes de la vie, qui produisaie­nt de la poésie sans le savoir. Je dessinais beaucoup. À 13 ans, à Chantonnay (à l’est de La Roche-sur-Yon, en Vendée), je faisais des chansons avec mon voisin Bébel avant l’entraîneme­nt de basket. J’écrivais aussi de la poésie, des romans, sans jamais rien finir… »

Puis, après son bac, Philippe arrive

à Rennes. « Là, j’ai découvert des artistes qui m’ont vraiment chamboulé. Jean Eustache ou Jean Renoir au cinéma, Andy Warhol, Niki de Saint Phalle… C’était un bouleverse­ment total. Ça m’a permis d’avoir des repères pour cartograph­ier mon imaginaire. »

Y compris sur le plan musical ? « J’avais ouï- dire que Rennes était une ville musicale. Beaucoup de gens étaient habillés en noir. Qui aurait pu imaginer, à cette époque, que la ville donnerait des gens comme Lorenzo (rappeur rennais issu du collectif Columbine). J’aime bien la façon dont ces artistes se racontent sans tabou, sans poésie, en étant généreux. »

« Moi, à l’époque, j’avais acheté la cassette d’Étienne Daho, La notte, la notte. Vous savez, à Chantonnay, je lisais des articles sur des artistes mais je n’avais pas les moyens de les écouter. Donc, à partir de ce que je lisais, j’essayais d’imaginer ce que faisait David Bowie et d’autres. »

« Je ne souffre pas de me voir à l’écran »

Victor aimerait bien savoir aussi quel est leur moteur pour faire les choses. « Le plaisir de faire les choses », n’hésite par Sophie. Philippe part du principe que tout ce qu’il fait est voué à l’échec. « Après, si ça marche, c’est une bonne nouvelle. Du coup, ce qui compte, c’est le moment où tu le fais, est- ce que ça te fait du bien ? » Dans Voyages en Italie comme dans Astérix ? « Oui. C’est la même chose. Tu fais partie d’une équipe. » « La différence, c’est peutêtre le salaire ? » propose en souriant la cinéaste.

En cette fin de rencontre, Eva questionne Philippe Katerine sur son rapport à son image à l’écran. « Je ne souffre pas de me voir à l’écran. Tu te vois dans des angles nouveaux. Par exemple, dans Voyages en Italie, dans une scène, la couette est soulevée et on aperçoit mes parties génitales par en dessous. C’est un angle que je ne connais pas car je mets rarement un miroir entre mes pieds pour avoir cette contreplon­gée ! »

Sacré Philippe Katerine ! La dérision est de retour, pour le plaisir.

Voyages en Italie sort dans les salles le 29 mars. Il a été présenté à Rennes, dans le cadre du festival Travelling, qui se poursuit jusqu’à mardi avec un focus particulie­r sur le cinéma chilien. Renseignem­ents sur clairobscu­r.info.

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| PHOTO : VINCENT MICHEL, OUEST-FRANCE. Philippe Katerine et Sophie Letourneur, entourés de trois lecteurs, Géraldine Blanchet, Victor Crusson et Eva Guittard.

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