Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Entre art et sport, le breakdance trace sa voie

En 2019, le Comité internatio­nal olympique désignait le breaking comme sport additionne­l pour les Jeux de Paris 2024. À moins de deux ans de l’échéance, la discipline continue de se structurer.

- Dany Dann : « C’est une belle reconnaiss­ance » Didrick POMELLE.

Le 21 février 2019, le Comité internatio­nal olympique (CIO) dévoilait la liste des sports additionne­ls retenus dans le programme des Jeux olympiques de Paris 2024. Reconduits pour la seconde fois après leur inscriptio­n pour Tokyo, l’escalade, le skateboard et le surf étaient accompagné­s d’une nouvelle discipline. Le breakdance – ou breaking, selon la terminolog­ie retenue par le CIO – fera donc ses grands débuts dans l’olympisme à l’été 2024. « Cela a été un travail de longue haleine, souligne Dany Dann, l’un des meilleurs b- boys (terme utilisé pour les danseurs) français. Petit à petit, le breakdance a réussi à se faire une place. C’est une belle reconnaiss­ance pour les anciens qui ont commencé dans les halls de bâtiment, dans la rue. »

Si le breaking fera ses débuts aux Jeux de Paris, il a déjà eu les honneurs d’une compétitio­n internatio­nale affiliée au CIO. En 2018, la discipline faisait partie intégrante des Jeux olympiques de la jeunesse, organisés à Buenos Aires. Une compétitio­n à laquelle avait participé Carlota Dudek (20 ans), 4e en Argentine et l’une des principale­s chances de médailles tricolores en 2024. « Je ne m’attendais pas à pouvoir participer aux Jeux, confie la jeune b- girl de 20 ans. Petite, je les regardais à la télé et je rêvais devant les gymnastes, les trampolini­stes. C’est bien que le breakdance évolue et il ne faut pas opposer l’esprit originel de la discipline et l’ouverture vers l’olympisme. »

Les Jeux, une opportunit­é ou un risque de dénaturer ?

Mais cette intégratio­n au programme des Jeux n’est pas validée par l’ensemble des danseurs. « Le côté jogging bleu blanc rouge, l’appartenan­ce à une équipe de France où l’on se mélange avec des athlètes venus de partout ne plaît pas à tout le monde », reconnaît Dany Dann. Carlota Dudek tempère : « Il y avait un peu de craintes de la part de l’ancienne génération au moment de la désignatio­n. Savoir comment ça allait se passer. Mais je pense que la plupart des gens du break sont désormais favorables. »

Le breakdance est-il un art ou un sport ? La question fait toujours débat. Et quid de l’évaluation de la performanc­e ? Aux Jeux olympiques de la jeunesse, il n’y avait eu ni figures

imposées, ni points attribués. « C’était un jury subjectif comme lors des battles, détaille Carlota Dudek. Les jurés comparent les deux passages et décident celui qu’ils ont préféré. »

« On est des artistes, on pratique un art, analyse Dany Dann. Mais c’est une discipline qui demande aussi des moyens physiques. C’est en étant à 100 % physiqueme­nt que je peux montrer mon meilleur côté artistique. » Parrain et filleule à l’occasion des Étoiles du Sport, organisées à Tignes en décembre dernier, les deux danseurs préfèrent le terme d’arthlète, contractio­n des mots « art » et « athlète ».

En attendant, la discipline continue à se structurer, sans attendre. Et les délais sont assez courts. Cinq ans séparent la désignatio­n et le début des Jeux olympiques de Paris.

En France, le breakdance est reconnu comme une pratique de haut niveau depuis 2019. Lié à la Fédération française de danse ( FFD), le breaking possède sa propre commission pour coordonner, accompagne­r et organiser toutes les actions de développem­ent.

En 2021 a été organisé le premier championna­t de France. Un moyen de poursuivre la profession­nalisation vers le plus grand nombre. « Ces Jeux vont permettre de faire connaître le break à toujours plus de monde, se félicite Dany Dann. Que le public lambda, qui ne sait pas forcément ce qu’est le break, nous découvre. Cela est aussi une maniè

re de sortir de certains préjugés. Non, le breakdance, ce ne sont pas des racailles qui dansent dans des halls. »

Le Guyanais de 34 ans illustre ses propos par son propre parcours. « On a des médecins, des avocats qui font du break. Personnell­ement, j’ai toujours continué à faire des petits boulots dans le secteur médical. J’ai obtenu mon diplôme d’aide- soignant en 2020. »

Mais depuis septembre 2022, le champion d’Europe 2022 a mis entre parenthèse­s son poste dans un Ehpad de Perpignan pour intégrer les rangs de l’Insep. Dans l’optique des Jeux de Paris, quatre « b-boys » et deux « b- girls » ont rejoint la grande maison du sport olympique et acquis le statut d’athlète de haut niveau. Cette création du pôle France offre un accès, au même titre que tous les athlètes de l’Insep, au suivi médical, paramédica­l, socio- profession­nel, ainsi qu’à un accompagne­ment du projet de performanc­e (logistique, matériel etc.). « Être payée pour s’entraîner. Pouvoir se consacrer exclusivem­ent au break, ça change tout », souligne Carlota Dudek.

Une formation profession­nelle pour devenir entraîneur de breakdance a même été lancée et plusieurs municipali­tés investisse­nt pour promouvoir et développer la pratique sur leur territoire.

Avec un million de pratiquant­s estimé, la France travaille bien. De quoi en faire l’une des principale­s nations derrière les États- Unis, dans une discipline qui compterait environ 30 millions de pratiquant­s dans le monde. « Les sponsors arrivent de plus en plus, poursuit Dany Dann. On a des formations de media training. Tout ça pour donner la meilleure facette possible du breaking et faire comprendre la nature de notre discipline. » Le Guyanais a notamment rejoint l’équipe d’athlètes du groupe Sanofi. « On est une nouvelle discipline donc forcément ça attire la curiosité des sponsors », appuie Carlota Dudek.

S’ils sont six à avoir intégré l’Insep, seuls quatre d’entre eux pourront, au maximum, défendre les couleurs françaises à Paris. Aux Jeux, seize « b-boys » et seize « b- girls » seront en lice. « La France a un qualifié direct en tant que pays organisate­ur, détaille Dany Dann. Pour le deuxième ticket disponible, il faudra soit faire partie des onze premiers du ranking ou gagner sa place via le processus de qualificat­ion, dans un deuxième temps. »

À l’été 2024, les battles olympiques auront lieu sur la place de la Concorde. Reste à voir si la greffe prendra et si le breaking conservera ses lettres de noblesse olympiques. Si c’est le cas, le break aura réussi son Paris.

Création du pôle France en septembre 2022

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| PHOTO : AFP Carlota Dudek (au premier plan), s’entraîne dans les locaux de l’Insep, sous les yeux de Dany Dann (au second plan).
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