Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Arctique : Russie et Otan avancent leurs pions
Alors que Moscou investit massivement sur le cercle polaire, l’Otan, l’alliance de pays d’Europe et d’Amérique du Nord, s’y affirme par des exercices militaires.
Hervé Bouchaud, réalisateur de Conquête de l’Arctique : les nouvelles ambitions de Poutine.
Pour la Russie, que représente l’Arctique, cette région entourant le pôle Nord ?
20 % du territoire russe est situé au- delà du cercle polaire. Sept autres pays y ont une part de leur territoire : États- Unis, Canada, Danemark, Islande, Norvège, Suède et Finlande. Riche en or, uranium, terres rares (métaux), pétrole et gaz, l’Arctique est devenu le premier gisement de croissance de la Russie. Le garant de son avenir. Vladimir Poutine a misé sur ce nouvel Eldorado depuis son arrivée au pouvoir. La manne arctique est estimée entre 1 500 et 2 000 milliards de dollars.
Que font les Russes au-delà du cercle polaire ?
La banquise a perdu 40 % de sa surface en quarante ans, ouvrant des voies navigables que Moscou s’est préparé à exploiter. Le président russe se met régulièrement en scène dans l’Arctique, où il a investi massivement, loin devant les États- Unis et le Canada. Le Kremlin s’est doté d’une importante flotte de navires brise- glace, développe ses ports,
rénove logements, bâtiments scolaires, bases militaires de l’époque soviétique, et en construit de nouvelles, comme le Trèfle noir.
Des investissements à l’image de la centrale de gaz de Yamal, dont Total est partenaire…
Cette gigantesque usine de gaz naturel liquéfié est construite sur le sol glacé (le permafrost) de la péninsule de Yamal. L’une des plus grandes réserves de gaz au monde. Total, actionnaire à hauteur de 20 %, fait partie du
projet depuis l’origine, avec les Russes et les Chinois. Si Total quittait le projet, en raison de la guerre en Ukraine, il serait difficile d’y revenir une fois le conflit terminé. Les candidats sont nombreux pour prendre la place.
La première centrale nucléaire flottante a également été inaugurée en Arctique.
Nous avions pu filmer son inauguration en août 2019. Peinte aux couleurs de la Russie, l’Akademik Lomonosov est la première centrale nucléaire construite sur un navire. Elle est amarrée à Pevek, au nord du détroit de Béring, à l’extrême nord- est du pays, où il fait nuit trois mois par an. Ses deux réacteurs, équivalents à ceux du porte-avions nucléaire Charles- de- Gaulle, fournissent l’électricité du petit port et des sociétés minières.
De son côté, l’Otan a simulé un débarquement en mars 2022…
Cet exercice militaire de l’Alliance Atlantique au nord de la Norvège était prévu avant l’invasion de l’Ukraine. Et ce n’était pas le premier. En mars, il s’agissait d’opérer le débarquement de 35 000 soldats de plus de vingt pays, dont le premier régiment d’infanterie de marine de Toulon, des Marines américains, dotés de moyens terrestres, maritimes et aériens lourds, contre « un envahisseur fictif ».
Et les questions écologiques ?
On imagine aisément que l’exploitation intensive du cercle polaire arctique aura des conséquences écologiques. On a une impression de fin du monde devant ces usines et ces mines gigantesques, et la fonte de la banquise, qui pousse les ours blancs affamés vers les habitations.
M6, 23 h 10.