Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Dany Leprince de retour sur le lieu du crime
Condamné à perpétuité en 1997, définitivement libéré en 2016, Dany Leprince continue de clamer son innocence. Hier, à Thorigné-sur-Dué (Sarthe), il a rempli la salle des fêtes.
Deux pavillons séparés par une haie, au bord d’une route sans issue. Vue sur la campagne sarthoise, où le regard se perd dans le sillon des labours jusqu’à l’horizon. C’est dans la maison de droite que, le 5 septembre 1994, une famille est retrouvée massacrée à l’arme blanche. Quatre personnes gisent au sol : Christian Leprince, son épouse Brigitte et leurs deux filles, âgées de 7 et 10 ans. Seule rescapée, une petite fille de 2 ans est assise sur son lit, indemne.
Ce samedi 4 mars, Dany Leprince, le frère de Christian, est de retour sur les lieux, à l’écart du bourg de Thorigné- sur- Dué. C’est lui qui habitait la maison de gauche. Lui qui, d’emblée, a été suspecté du quadruple meurtre, accusé par son épouse et sa fille. Lui qu’on a appelé « le boucher de la Sarthe ». Lui qui a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une peine de sûreté de 22 ans.
Si, en garde à vue, Dany Leprince a avoué un meurtre, celui de son frère, il s’est rétracté moins d’une semaine plus tard. « Ces aveux m’avaient été extorqués », assure- t- il. Et depuis, il clame son innocence.
400 partisans réunis
Définitivement libéré en 2016, son interdiction de paraître en Sarthe levée depuis deux ans, il a donné rendez-vous à ses partisans, hier. La sal
le des fêtes de Thorigné-sur-Dué n’a pas suffi à les contenir. Environ 400 personnes ont répondu à l’appel.
À commencer par l’Association pour Dany, son comité de soutien, venue élire son nouveau bureau. Gilles, 64 ans, domicilié au Mans, a rempli son premier bulletin d’adhésion. « J’ai suivi l’affaire depuis le début et j’ai mon intime conviction. Mais j’attends toujours des réponses. La justice doit reconnaître ses torts. » Gilles a serré la main de Dany Leprince. « Ça m’a fait quelque chose. Au- delà de l’empathie pour ses 18 ans de prison, sa force et son courage me fascinent. C’était comme serrer la main de l’honnêteté. »
Maria, 61 ans, est une militante de la première heure. Elle connaît bien
Dany Leprince pour avoir travaillé à ses côtés à la Socopa, abattoir et usine de viande. Agriculteur, il y arrondissait ses fins de mois. « Il était sympa et rigolo, mais ne savait pas se servir d’un couteau, se souvient sa collègue. À son poste, c’était inutile. »
« Condamné sans preuves »
Dany Leprince, qui réclame un nouveau procès, ne demande pas à être cru sur parole. Il s’appuie sur son livre, Ils ont volé ma vie (1), écrit avec Bernard Nicolas, journaliste d’investigation. L’ouvrage pointe les lacunes de l’enquête et les dysfonctionnements de la justice de l’époque. « Coupable idéal, il a été condamné sans aucune preuve matérielle », résume-t-il.
Son avocat, Me Olivier Morice, affirme : « S’il était jugé aujourd’hui, Dany Leprince serait acquitté. » Le pénaliste parisien indique être en possession « d’éléments nouveaux. Nous attendons une audience auprès de la Cour de révision d’ici la fin de l’année. »
Me Morice compare l’affaire à celle de Patrick Dils, condamné à tort pour le meurtre de deux enfants, en 1989. « Le chemin est encore long. Comme un Compostelle judiciaire sans halte. Et parvenir à une réhabilitation, un miracle. Mais nous y croyons. »