Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

« Elle disait “Un jour ce sera moi à la télé” »

Portrait. Julia Simon, 26 ans, lauréate du gros globe de cristal hier, est la première française sacrée meilleure biathlète du monde depuis Sandrine Bailly (2004-2005). Ses proches la racontent.

- Morgane HUGUEN.

Pierre et Véronique, les parents de Julia Simon, se sont rendus à Oslo pour les finales de la saison en Coupe du monde en espérant voir leur fille, Julia, soulever le Graal.

Un voyage assez exceptionn­el puisque la seule autre fois où ils se sont déplacés, « c’était pour sa première course en Coupe du monde, en janvier 2017 ». Entre une 44e place du sprint à Ruhpolding, en 2017, et le gros globe de cristal à Oslo, décroché hier en mars 2023 (elle a terminé 5e du sprint), Julia Simon a bien mûri. Elle est devenue cette biathlète complète qui a su dompter le pas de tir, l’ajouter à sa belle puissance à ski, pour s’imposer comme la numéro 1 française et mondiale.

« C’est une saison magnifique », sourit Pierre Simon, le père de Julia, en ne manquant pas de mentionner qu’en plus du gros globe de cristal, sa fille a également chipé un titre lors des Mondiaux d’Oberhof (sur la poursuite), elle a remporté un autre globe de la spécialité (poursuite), et est encore en course pour un autre (en mass start). Et accessoire­ment, elle a aussi établi un nouveau record chez les Françaises avec 12 podiums sur une même saison.

« Son truc c’était de grimper aux arbres, marcher, courir »

« Elle nous épate depuis le départ », reconnaît son père, pisteur secouriste l’hiver aux Saisies. Les Saisies, la station où la native d’Albertvill­e a commencé le ski à l’âge de cinq ans. D’abord de l’alpin, avec quelques séances de ski de fond. « Cela lui a plu tout de suite. Surtout qu’en ski alpin, quand elle a commencé à faire quelques épreuves de vitesse, elle s’est fait une frayeur. Ça a fait un déclic et vers 8 ans elle a choisi le ski de fond », raconte Pierre Simon. « Elle a toujours adoré le ski et n’imaginait pas d’autre métier qu’en faire au haut niveau. Elle disait “un jour ce sera moi à la télé”. Même au collège, elle en parlait encore. Il n’y avait que le ski », se souvient Hélène, une amie de Julia depuis la maternelle. La passion était déjà grande, le biathlon, lui, ne viendra que plus tard, à l’adolescenc­e.

Petite, si Julia Simon n’était pas dehors sur les skis, elle était dehors à gambader. « Julia, elle ne jouait pas à la poupée. Son truc c’était de grimper aux arbres, marcher, courir, aller dans la montagne. Elle aime la solitude, c’est une fille de la campagne ! », souligne son père. « On était sans cesse dehors à construire des cabanes, courir dans les champs, ajoute Hélène, son amie devenue comptable. Et ça n’a pas changé, on va faire des randonnées l’été maintenant. » Aux saisies, Roselend, le Col du Joly… Les filles écument le Beaufortai­n, la terre de leur enfance.

Hélène et Julia ont « grandi dans le landau à côté, car nos mères sont copines », comme le résume joliment la première citée. Aujourd’hui, elles se parlent quasiment tous les jours sur un groupe Messenger – « on aime bien savoir comment elle se sent et lui montrer qu’on est derrière elle » – et elles se voient dès que la biathlète est de retour d’une compétitio­n.

Des moments privilégié­s avec ses proches qu’elle ne manque pour rien au monde, avant de s’isoler un peu pour travailler le bois. Son autre passion. « Julia a toujours été manuelle », explique Hélène. « Dès qu’elle a un moment, elle fabrique quelque chose avec la machine à bois », rebondit Pierre Simon.

Si une reconversi­on comme ébéniste semble toute trouvée, il y a quelques années en arrière, Pierre Simon aurait bien vu sa fille reprendre l’affaire familiale, à Villard- sur- Doron : un élevage de vachettes dont le lait est destiné à faire du beaufort (un fromage). « Elle était toujours très volontaire pour venir m’aider sur l’exploitati­on. » Sa volonté, c’est aussi ce qui fait de Julia Simon la sportive qu’elle est. Puisque c’est notamment sa déterminat­ion à performer qui l’a convaincue de reprendre toutes les bases au tir, de tout déconstrui­re pour voir ce qui n’allait pas et tout reconstrui­re comme il faut. Un long travail qui paie cette année avec des pourcentag­es bien à la hausse face aux cibles et donc de meilleures cartes en mains pour jouer les podiums et surtout la gagne. « Cela ne me surprend pas, car elle a beaucoup de mental et elle se donne toujours les moyens de remplir ses objectifs », reconnaît Hélène. « C’est une fille qui a du caractère depuis toute petite et le haut niveau a fait qu’elle s’est renforcée. C’est quelqu’un qui a besoin de challenge en permanence », renchérit sa mère, Véronique Simon. « Elle n’a pas de patience, ça, ce serait le caractère de son père », rigole Pierre Simon, avant de préciser que c’est de famille car les deux petites soeurs de Julia - une pharmacien­ne l’an prochain et une autre qui travaille dans un magasin de sport aux Saisies – ont elles aussi beaucoup de caractère.

Timide, réservée plus jeune, Julia Simon a en revanche bien progressé sur cet aspect. « On sent qu’elle a pris confiance dans les interviews », analyse la maman. « Elle est très cash, elle est honnête avec elle-même et avec tout le monde, ajoute le papa. Elle dit souvent que dès le dernier tour, elle analyse sa course. C’est peut- être pour ça qu’elle est plus à l’aise. Mais avec nous, elle ne parle jamais de biathlon. D’ailleurs, cette année on s’est rarement appelé. C’est bon signe, ça veut dire que tout va bien ! On avait plus de messages l’an dernier, quand il y avait de mauvaises courses. » Une autre façon de dire que la saison de la Savoyarde de 26 ans a été plus qu’exceptionn­elle ! Le 9 avril prochain, elle sera d’ailleurs mise à l’honneur aux Saisies, lors du traditionn­el « retour des champions ».

Championne du monde, vainqueure du gros globe de cristal, il ne manque désormais plus que l’or olympique au palmarès de Julia Simon. Son rêve de petite fille. « À six ans elle voulait être championne olympique, confesse Pierre Simon. En 2002, je regardais le soir les JO de Salt Lake City et depuis ce moment elle n’arrêtait plus de courir dehors en clamant : “quand je serai grande je serai championne olympique” ». En 2026, de l’autre côté des Alpes, elle tentera de réaliser ce rêve d’enfant. « Ce serait vraiment beau », conclut Hélène, son amie de toujours qui a prévu pour l’occasion de se rendre avec Cyrielle, une autre copine, en Italie.

D’ici là, Julia Simon peut se réjouir d’être à la télé. D’autant plus qu’avec son statut de numéro 1 mondiale, il n’y a pas qu’en France qu’elle a illuminé le petit écran cette saison.

« Cette année on s’est rarement appelé. C’est bon signe ! »

Julia Simon en bref

Née le 9 octobre 1996 à Albertvill­e. 14 janvier 2017 : première course en Coupe du monde à Ruhpolding (All). 14 mars 2020 : première victoire en Coupe du monde, sur la poursuite de Kontiolaht­i (Fin).

5 février 2022 : médaillée d’argent sur le relais mixte des Jeux olympiques de Pékin.

10 décembre 2022 : premier départ en carrière avec le dossard jaune, sur la poursuite d’Hochfilzen (Aut).

Fillon

Quentin Fillon Maillet a décroché la 2e place de la poursuite, hier, avec un 20/20 au tir. Tenant du gros globe, le Français signe son deuxième podium en 2022-2023. Le Norvégien Johannes Boe a, lui, remporté sa 15e victoire de la saison.

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| PHOTO : AFP Julia Simon, qui a grandi aux Saisies, dans les Alpes, a toujours aimé le ski.
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