Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Audrey Forlani, le courage d’une capitaine
Elle n’est pas celle qui parle le plus. Ni même celle sur laquelle on discourt le plus, d’ailleurs. Mais Audrey Forlani n’a pas eu besoin de faire grand bruit pour se relever de tout ce qu’elle a eu à traverser en carrière, et, en cela, sa légitimité en tant que nouvelle capitaine du XV de France n’est remise en cause par personne. « On a tendance à considérer que les capitaines doivent prendre la parole. Audrey n’est pas quelqu’un qui parle beaucoup, mais ses discours ont beaucoup de poids. Ce choix est logique parce que c’est une réelle leader d’exemple, valide Marjorie Mayans, qui a partagé de nombreuses années avec Forlani sous les couleurs de Blagnac, mais aussi des Bleues. Elle est toujours exemplaire, que ce soit aux entraînements ou en match. Elle est toujours à 120 % en termes d’engagement. »
On l’a surnommée « Charrue » un temps, « Moulinex » un autre. Autant d’expressions pour symboliser une seule et même qualité de la native de Montauban, formée à Beaumont- deLomagne (Tarn- et- Garonne) : son opiniâtreté dans les rucks et mêlées, où la deuxième ligne de 31 ans excelle par son travail de sape de l’adversaire. « Elle est indispensable dans une équipe de rugby : sur le terrain, elle fait beaucoup le travail de l’ombre, souligne Mayans. Ce n’est pas forcément la joueuse qui va briller en marquant plein d’essais comme peuvent le faire les ailières, mais elle va toujours bosser pour l’équipe. »
Opérée du cerveau à 22 ans
Son autre grande force, la principale peut- être, se niche dans sa résilience. Lorsqu’en 2014, elle se fracture le nez sur un plaquage anodin, et qu’après des semaines de maux de tête, on lui diagnostique une fissure autour du cerveau, elle accepte sans faiblir l’opération – à l’origine de son emblématique coupe de cheveux courte – et l’année d’attente et de rééducation qui s’ensuit, avant de pouvoir refouler
les pelouses. Quand, à l’automne dernier, l’ancien sélectionneur Thomas Darracq ne la couche pas, contre toute attente, sur la liste des 32 joueuses convoquées pour le Mondial, elle accuse le choc mais se remet immédiatement à la tâche. « Ça a été une énorme déception pour elle. Elle s’était investie pendant des années pour participer à cette Coupe du monde, et pour moi, elle restait l’une des joueuses indispensables au groupe France. Malheureusement, le manager en a décidé autrement, accable Marjorie Mayans. Mais malgré la déception que cela a pu engendrer, elle est revenue tout de suite à son meilleur niveau. Cela prouve une nouvelle fois toute son exemplarité et son engagement dans le rugby. »
Déjà capitaine depuis quatre ans en championnat de son équipe de Blagnac, Audrey Forlani endosse, après 57 sélections, le rôle le plus distinctif de toute sa carrière. Elle qui s’est aussi forgée, en parallèle du rugby, en tant qu’agent de silo (elle reconditionnait des sacs de semences) entre enfin dans la pleine lumière. « Et c’est un juste retour des choses », synthétise Marjorie Mayans. Sans que l’on ne se sente vraiment en capacité de la contredire.