Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Olivier Marchal, des démons et un grand coeur

Le réalisateu­r de 36 quai des Orfèvres est l’un des invités d’honneur du Festival du polar de Reims. Ancien flic, acteur, metteur en scène, il en a sous le blouson noir.

- Philippe LEMOINE.

L’heure est assez avancée dans la nuit. Au bar de l’hôtel de la Paix, dans le coeur de la ville de Reims ( Marne), Olivier Marchal refait le monde, rigole dans sa barbe, balance quelques anecdotes de tournage. À sa table, des gens du cinéma ? Pas vraiment. Ils ont des sacrées gueules pourtant, et des muscles aussi, tendus sous les chemises. Ce sont les hommes qui s’occupent de la sécurité du festival et des personnali­tés. Ils ont été flics, commandos… Le cinéma de Marchal, ça leur cause au coeur.

« Olivier, c’est un sacré mec, confie l’un d’eux discrèteme­nt. On l’aime beaucoup. Il est simple et humainemen­t plein de valeurs. Lors d’un précédent festival, il avait fait venir les gars de la BRI (l’Antigang). Quelle nuit ! » Si l’intéressé avait entendu cette phrase, il en aurait peut- être versé une petite larme.

Ainsi va « Olive » pour les potes, 64 piges, le visage buriné aux excès et aux coups vachards de la vie, la peau tannée au soleil des tournages et l’émotion à fleur de peau. « Je suis bien avec ces gars- là… Souvent plus qu’avec un certain monde du cinéma qui me regarde de haut et me prend pour un paria. »

Pas de langue de bois avec Olivier Marchal, des coups de gueule plutôt. Un style très cash qui lui vaut des amitiés sincères et des inimitiés profondes.

Un paria ? Pourtant, le cinéma en général, et le polar en particulie­r, lui doivent beaucoup. Avec 36 quai des Orfèvres, sorti en 2004, son oeuvre majeure, il a contribué à relancer le genre et voit avec plaisir la jeune garde comme Cédric Jiménez reprendre le flambeau.

Son héritage et sa force : un amour du cinéma de Melville, de Verneuil et de Lautner et une première vie d’inspecteur de police confronté aux noirceurs de l’âme humaine. Regardez l’excellent et sombrissim­e MR 73, son troisième film, le plus

personnel aussi, et vous aurez une idée de ce qui le hante encore.

Les nuits d’insomnie

« Je suis insomniaqu­e… Quand je me réveille la nuit, souvent, j’écris. Parfois, je suis trop crevé pour bosser, je reste dans mon lit et les vieux démons resurgisse­nt. Les potes morts en service, les affaires cradoques… » Olivier Marchal est un intranquil­le. Un père cool mais inquiet pour ses quatre enfants âgés de 14 à 29 ans. « Quel monde on leur laisse bon sang ! Ils vont devoir

se démerder avec tout ça. Je n’aime pas ce que sont devenues ni la France ni la vie à Paris. Cette ville est une poubelle ! Je suis souvent en tournage en province et à l’étranger, quand je reviens, j’ai la boule au ventre. »

Dans son quartier entre Bastille et République, il voit, avec désolation, les affronteme­nts entre manifestan­ts et forces de l’ordre. « Comment peut- on arriver à autant de violence et d’incompréhe­nsion ? Les gens ne font plus confiance au monde politique. Quant aux flics, ils les applaudiss­ent quand ils ont la trouille comme après le Bataclan et leur jettent des pavés après… »

« Non, je ne suis pas réac »

Réac, Olivier Marchal ? « Aujourd’hui, on ne peut pas s’empêcher de coller des étiquettes. Moi, je ne me sens pas du tout réac… Je suis plutôt ouvert même. »

Il revient de cinq mois de tournage passés dans les quartiers nord de Marseille. Une série pour Netflix qui devrait sortir à la rentrée, baptisée Pax Massilia. Six épisodes de cinquante- deux minutes filmés aux pieds des tours. « On a fait tourner des gamins des quartiers. Ils ont adoré qu’on les regarde différemme­nt, qu’on leur propose de jouer leurs propres rôles. C’était vraiment chouette pour eux et pour nous. Après, les mères nous ont invités à manger du couscous. »

Il prépare également un scénario sur un flic homosexuel qui tombe amoureux de l’avocat du malfaiteur qu’il veut faire tomber. « C’est un sujet encore un peu tabou dans la police, je suis content de l’aborder. »

Olivier Marchal a le cinéma et la maison poulaga chevillés au corps. Il ressort de plus en plus rompu des tournages, rêve parfois de tout plaquer pour se barrer en Nouvelle-Zélande, un pays « où la vie est plus douce qu’ici », a peur de la mort mais la voit aussi « comme une délivrance ». Sous son blouson noir et son tee- shirt troué, les contradict­ions volent en escadrille mais c’est ce qui fait son âme et son humanité. Et la force de son cinéma…

Limbo grand vainqueur

Le crépuscula­ire film Limbo de Soi Cheang (Hong Kong & Chine) a remporté le Grand Prix et le prix de la critique du Festival du polar de Reims. Une plongée très noire dans les basfonds de Hong Kong, à la poursuite d’un tueur en série.

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| PHOTO : OUEST-FRANCE Olivier Marchal, au Festival du polar de Reims.

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