Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Olivier Marchal, des démons et un grand coeur
Le réalisateur de 36 quai des Orfèvres est l’un des invités d’honneur du Festival du polar de Reims. Ancien flic, acteur, metteur en scène, il en a sous le blouson noir.
L’heure est assez avancée dans la nuit. Au bar de l’hôtel de la Paix, dans le coeur de la ville de Reims ( Marne), Olivier Marchal refait le monde, rigole dans sa barbe, balance quelques anecdotes de tournage. À sa table, des gens du cinéma ? Pas vraiment. Ils ont des sacrées gueules pourtant, et des muscles aussi, tendus sous les chemises. Ce sont les hommes qui s’occupent de la sécurité du festival et des personnalités. Ils ont été flics, commandos… Le cinéma de Marchal, ça leur cause au coeur.
« Olivier, c’est un sacré mec, confie l’un d’eux discrètement. On l’aime beaucoup. Il est simple et humainement plein de valeurs. Lors d’un précédent festival, il avait fait venir les gars de la BRI (l’Antigang). Quelle nuit ! » Si l’intéressé avait entendu cette phrase, il en aurait peut- être versé une petite larme.
Ainsi va « Olive » pour les potes, 64 piges, le visage buriné aux excès et aux coups vachards de la vie, la peau tannée au soleil des tournages et l’émotion à fleur de peau. « Je suis bien avec ces gars- là… Souvent plus qu’avec un certain monde du cinéma qui me regarde de haut et me prend pour un paria. »
Pas de langue de bois avec Olivier Marchal, des coups de gueule plutôt. Un style très cash qui lui vaut des amitiés sincères et des inimitiés profondes.
Un paria ? Pourtant, le cinéma en général, et le polar en particulier, lui doivent beaucoup. Avec 36 quai des Orfèvres, sorti en 2004, son oeuvre majeure, il a contribué à relancer le genre et voit avec plaisir la jeune garde comme Cédric Jiménez reprendre le flambeau.
Son héritage et sa force : un amour du cinéma de Melville, de Verneuil et de Lautner et une première vie d’inspecteur de police confronté aux noirceurs de l’âme humaine. Regardez l’excellent et sombrissime MR 73, son troisième film, le plus
personnel aussi, et vous aurez une idée de ce qui le hante encore.
Les nuits d’insomnie
« Je suis insomniaque… Quand je me réveille la nuit, souvent, j’écris. Parfois, je suis trop crevé pour bosser, je reste dans mon lit et les vieux démons resurgissent. Les potes morts en service, les affaires cradoques… » Olivier Marchal est un intranquille. Un père cool mais inquiet pour ses quatre enfants âgés de 14 à 29 ans. « Quel monde on leur laisse bon sang ! Ils vont devoir
se démerder avec tout ça. Je n’aime pas ce que sont devenues ni la France ni la vie à Paris. Cette ville est une poubelle ! Je suis souvent en tournage en province et à l’étranger, quand je reviens, j’ai la boule au ventre. »
Dans son quartier entre Bastille et République, il voit, avec désolation, les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre. « Comment peut- on arriver à autant de violence et d’incompréhension ? Les gens ne font plus confiance au monde politique. Quant aux flics, ils les applaudissent quand ils ont la trouille comme après le Bataclan et leur jettent des pavés après… »
« Non, je ne suis pas réac »
Réac, Olivier Marchal ? « Aujourd’hui, on ne peut pas s’empêcher de coller des étiquettes. Moi, je ne me sens pas du tout réac… Je suis plutôt ouvert même. »
Il revient de cinq mois de tournage passés dans les quartiers nord de Marseille. Une série pour Netflix qui devrait sortir à la rentrée, baptisée Pax Massilia. Six épisodes de cinquante- deux minutes filmés aux pieds des tours. « On a fait tourner des gamins des quartiers. Ils ont adoré qu’on les regarde différemment, qu’on leur propose de jouer leurs propres rôles. C’était vraiment chouette pour eux et pour nous. Après, les mères nous ont invités à manger du couscous. »
Il prépare également un scénario sur un flic homosexuel qui tombe amoureux de l’avocat du malfaiteur qu’il veut faire tomber. « C’est un sujet encore un peu tabou dans la police, je suis content de l’aborder. »
Olivier Marchal a le cinéma et la maison poulaga chevillés au corps. Il ressort de plus en plus rompu des tournages, rêve parfois de tout plaquer pour se barrer en Nouvelle-Zélande, un pays « où la vie est plus douce qu’ici », a peur de la mort mais la voit aussi « comme une délivrance ». Sous son blouson noir et son tee- shirt troué, les contradictions volent en escadrille mais c’est ce qui fait son âme et son humanité. Et la force de son cinéma…
Limbo grand vainqueur
Le crépusculaire film Limbo de Soi Cheang (Hong Kong & Chine) a remporté le Grand Prix et le prix de la critique du Festival du polar de Reims. Une plongée très noire dans les basfonds de Hong Kong, à la poursuite d’un tueur en série.