Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Trésor du breton écrit

Le saut des poissonnie­rs (Gliberezh ar varc’hadizion pesked) : une tradition du lundi de Pâques à Pontivy

- Bernez ROUZ.

Pâques marque la fin du Carême dans le monde chrétien. Pendant quarante jours, bouillies, galettes et poissons ont été au menu des gens. Pour les marchands de viande, c’était le chomage technique. Pour les marchands de poisson, une période faste. Á Pontivy cette tradition marque la revanche des bouchers sur les poissonnie­rs.

Da lun fask en em dolpe holl dud kêr Pondi e-tal ar c’hoc’hu. Eno e oa degaset ur c’harr goullo lec’h ma veze graet d’ar varc’hadizion pesked krapañ, ar merc’hed hag ar baotred. Kigerien kêr en em lakae neuze diouzh ar c’harr hag her stleje betek ar Blañvezh. (Le lundi de Pâques, tous les gens se regroupaie­nt aux halles de Pontivy. On y faisait venir une charrette dans laquelle devaient monter les marchands de poissons, filles et garçons. Les bouchers de la ville traînaient alors la charrette jusqu’au Blavet).

Ce cortège était l’occasion d’un défoulemen­t général. Ar sellerion o vonet war o lerc’h en ur riotal, en ur gannal, en ur huchal en ur ober goap war ar re o doa gwerzhet pesked fall pe re ger tro ar c’horaïz. ( Les spectateur­s les accompagna­ient en se moquant d’eux, en les battant, en leur criant dessus pour avoir vendu de mauvais poissons à des prix trop élevés pendant le Carême).

Les « bourreaux » choisissai­ent un coin profond de la rivière pour réaliser leur forfait. Neuze e lezent ar c’harr da vonet, e-pad ma tarzhe kreñvoc’h kreñv c’hoarzherez­h an dud, o hucherezh hag ivez skuermerez­h ar re a oa er c’harr dreist holl ar merc’hed. Emberr e rudellent kej-mej er Blañwezh ha bec’h gante diouzh en em dennañ tre get o lavregadoù pe brozhadoù dour yen. (Alors, ils lâchaient la charrette pendant qu’éclataient de plus en plus fort la rigolade générale et les cris de ceux qui étaient dans la charrette, surtout les femmes. Et les voilà précipités sans dessus dessous dans le Blavet avec mille misères pour se tirer de là, à cause de leurs pantalons ou de leurs jupes trempés d’eau froide).

Et on avait prévu le réconfort. Ur goad tan evit sec’hiñ ar re glebet ha roiñ dezhe evel digoll, gwin tomm ha kig bevin. Gonidet o deveze int a-walc’h ( Une flambée pour sécher les gens trempés avec comme consolatio­n du vin chaud et de la viande de boeuf. Ils en avaient assez bavé comme cela !) Cette tradition du XVIIIe ouvrait une semaine de jours fériés. La Révolution abolit ce privilège et ne conserva que le Lundi de Pâques. Profitons en !

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