Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
L’histoire de « la petite fille brûlée au napalm »
Kim Phuc, au centre de cette photo qui a fait le tour du monde, et les reporters présents reviennent sur ce 8 juin 1972, emblème de la guerre du Vietnam.
Patrick Cabouat, réalisateur de La petite fille au napalm, histoire d’une photographie.
Dans quel contexte a été prise cette photographie ?
En juin 1972, la guerre s’est enlisée au Vietnam. Le président Nixon vient de rapatrier les troupes terrestres, mais a laissé un encadrement américain sur place, au côté des Viêt-Minh contre les Viêt- Congs, soutenus par les Russes. Au nord-ouest de la capitale Saïgon, à la frontière cambodgienne, les ViêtCongs s’infiltrent, la nuit, dans le village de Trang Bang, où vit Kim Phuc, alors âgée de 9 ans. Lorsqu’est annoncée une attaque aérienne viêt-minh à l’aube, les familles se réfugient dans le temple bouddhiste. Les reporters arrivent de Saïgon.
Les reporters témoignent dans votre film…
Sur la route n° 1, une dizaine de photographes, cameramen, filment les bombes incendiaires qui tombent près de la pagode. Puis ils voient surgir de la fumée des enfants hurlant. Nick Ut, jeune vietnamien travaillant pour l’agence Associated Press, prend alors cette photographie de Kim Phuc, courant, nue, le côté gauche et le dos brûlés au 3e degré. Parmi les images
terrifiantes de ce moment, il y a aussi cette vieille dame qui porte, hagarde, un bébé sans vie.
Kim Phuc livre aussi ses souvenirs…
Nick Ut, qu’elle appelle « oncle Ut », lui a donné de l’eau, a arrosé son corps, puis l’a transportée à l’hôpital, où on lui prédisait à peine un jour de survie. Le napalm, mélange d’essence gélifiée et souvent de phosphore, colle à la peau
et brûle les tissus jusqu’à l’os. Le cameraman anglais Christopher Wain l’a fait transférer à l’hôpital américain de Saïgon, où elle a passé quinze mois. Elle a ensuite été utilisée comme figure de propagande antiaméricaine par le nouveau régime communiste vietnamien.
Quel a été l’impact de cette photo ? La question de la nudité s’est d’abord posée, car l’agence Associated Press s’interdisait de diffuser la photo d’une personne nue de face. Image emblématique des victimes civiles de la guerre, elle a fait le tour du monde. Mais elle marque aussi un tournant dans les relations entre la presse et l’armée. Les reporters racontent à quel point ils ont été libres de travailler au Vietnam : il leur suffisait de demander et ils montaient dans un hélicoptère. Mais ensuite, les déplacements et les images ont été beaucoup contrôlés.
L’État-major américain a dénoncé une mise en scène...
Avec un incroyable cynisme, le président Nixon et l’état-major américain ont affirmé que la photo était une mise en scène et que la fillette avait été victime d’un accident domestique. Des accusations qui seront plus tard retirées.
Kim Phuc est devenue ambassadrice de la paix…
Kim Phuc avait obtenu l’asile politique au Canada, lorsque la journaliste Denise Chong a retrouvé sa trace et a écrit son histoire dans La fille de la photo. Convertie au christianisme, très mystique, elle est devenue ambassadrice de l’Unesco pour la paix et la protection des enfants.
France 5, 22 h 50.