Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

La délicate cicatrisat­ion de l’Allemagne

Un libraire part à la rencontre de l’enfant que sa femme avait abandonnée à l’Est. La petitefill­e, de l’Allemand Bernhard Schlink, est un grand roman de la séparation et de la réunificat­ion.

- Florence PITARD. La petite-fille, Gallimard, 338 pages, 23 €.

Un peu endormi dans la routine de sa vie de libraire berlinois, Kaspar n’a qu’une source de joie qui fait aussi son malheur : Birgit, sa femme. Lorsqu’elle meurt dans son bain, abrutie de médicament­s et d’alcool, Kaspar est assommé par la douleur.

Intrigué par la lettre d’un éditeur, qui lui réclame le roman que Birgit était en train d’écrire, il reste abasourdi par ce qu’il découvre dans le manuscrit : Birgit avait une fille, qu’elle a abandonnée en RDA à la naissance, avant de fuir avec lui à l’Ouest, en 1965.

Plongée dans l’extrême droite

Le septuagéna­ire part à sa recherche. Pour cet homme cultivé et modéré, le parcours tortueux de cette dernière est un choc. Après avoir été skinhead, elle évolue chez les Völkisch, adeptes d’un néonazisme mâtiné de retour à la terre.

Mais Kaspar se prend d’affection pour sa fille, une adolescent­e de 14 ans, pourtant gratinée elle aussi. Totalement formatée, Sigrun se réjouit que l’on envoie des torches enflammées dans les kebabs tenus

par des étrangers et a pour héroïne Irma Grese, gardienne de camp surnommée « la hyène d’Auschwitz »…

La famille de Kaspar, coupée en deux, symbolise bien la fracture subie par l’Allemagne pendant quatre décennies, et qui peine aujourd’hui encore à cicatriser.

Bernhard Schlink, auteur allemand renommé, auteur du best- seller Le liseur, a écrit là un grand roman de la séparation et de la réunificat­ion.

Au fil des pages, passent les tentatives d’apprivoise­ment entre jeunes Allemands de l’Est et de l’Ouest, le désenchant­ement de part et d’autre, les rejets et les réussites, comme l’histoire d’amour Est- Ouest entre Kaspar et Birgit. La plongée dans les milieux d’extrême droite de l’est de l’Allemagne est particuliè­rement saisissant­e.

Surtout, il y a la petite histoire dans la grande, celle de ce Kaspar si doux, si intelligen­t qui refuse de juger.

Sous la plume délicate, pleine de nostalgie et d’empathie de Bernhard Schlink, il n’attaque pas frontaleme­nt sa petite-fille. Il préfère lui mettre les outils dans les mains, ici une musique, là un livre qui traîne, espérant l’amener à faire sa déclaratio­n d’indépendan­ce intellectu­elle.

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Bernhard Schlink, auteur de La petite-fille. | PHOTO : FRANCESCA MANTOVANI
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| PHOTO : GETTY IMAGES « La petite-fille », de Bernhard Schlink, raconte la délicate réunificat­ion de l’Allemagne.

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