Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Alison Jackson remporte le bras de fer du Nord
Paris-Roubaix Femmes. Entre des chutes spectaculaires, une échappée précoce victorieuse et une gagnante surprise, la troisième édition a été épique jusqu’au bout.
Roubaix (Nord). De nos envoyés spéciaux
Si le cyclisme était du septième art, beaucoup crieraient au chef- d’oeuvre après cet épisode trois de Paris-Roubaix Femmes. On imagine déjà les réalisateurs se satisfaire de cette scène finale sur le vélodrome quelques minutes après l’arrivée où joie et tristesse s’entremêlaient.
La coureuse de Saint-Michel-Mavic-Auber 93 Marion Borras (25 ans), surprenante 5e (lire ci- dessous), tombait dans les bras de la Pontivyenne Marie Le Net (23 ans, FDJ- SUEZ), en larmes après avoir vécu, selon elle « la pire journée de [sa] vie ».
« On a été résilientes »
« L’Enfer du Nord mène au paradis » dit le slogan de la reine des classiques. À voir l’extravagance de la Canadienne Alison Jackson (34 ans), pavé sur socle entre les mains dansant près du podium, il était difficile de ne pas y croire. La sociétaire d’EF Education-TIBCO- SVB s’est imposée au sprint, s’offrant sa plus belle victoire. « Impensable » selon elle au départ de Denain un mois après s’être vue poser quatre points de suture à son genou après une chute à Drenthe ( Pays- Bas). Et pourtant, Paris-Roubaix a confirmé sa légende en déjouant les scénarios préétablis.
On se demande encore comment l’échappée partie avec 18 éléments a pu compter jusqu’à six minutes d’avance. Prises au piège, les favorites ont allègrement sous- estimé la dangerosité de ces filles habilitées à jouer les seconds rôles le reste de l’année. « Quand on a eu cinq minutes d’avance, j’étais très surprise, confiait la lauréate. Devant, on a été résilientes. Il faut parfois être son premier supporter. Je voulais juste être devant Lotte Kopecky (rires). »
La Belge, justement, s’inquiétait de l’avance prise par les fuyardes, réduites à un petit groupe de sept, à 50 kilomètres du terme. Jusqu’à cette énorme chute sur le secteur n°9 à Ennevelin l’emportant au sol avec une quinzaine d’autres concurrentes sur ces pavés rendus humides par la pluie des derniers jours.
Les planètes étaient alignées pour la tête de course et Marion Borras s’est retrouvée héroïne d’un film qu’elle ne pensait jamais écrire avec Eugénie Duval (FDJ- SUEZ), l’autre Tricolore du groupe, un brin déçue : « C’était une course très étrange, confiait la meilleure performeuse française sur l’épreuve (4e). Je me suis retrouvée devant mais ce n’est pas le podium et c’est rageant. »
L’épilogue était un condensé de la journée : un demi- tour de piste d’avance pour l’échappée sur les poursuivantes, une chute dans l’avant- dernier virage (Femke Markus) et un sprint gagné par la Canadienne dont le rapport au caillou l’avait prédestinée à s’imposer. « J’ai grandi dans une ferme dans les campagnes de l’Alberta (à l’Ouest du Canada) et je devais ramasser des cailloux dans les champs de ma famille pour qu’ils soient propres. Et voilà que maintenant, j’ai un gros caillou sous le bras ! (rires) » Celui qu’elle ne pensait jamais ramasser.