Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Quand plaire nuit gravement à la santé
Certaines exigences esthétiques condamnent nos animaux de compagnie au handicap. On appelle ça l’hypertypage. Explications.
Qu’est- ce qu’un hypertype ?
Ce sont des caractéristiques – notamment morphologiques – qui ont été poussées à l’extrême au sein d’une race par le biais de la sélection. Cela peut concerner des individus de toutes races. Mais il existe aussi des races qui tendent globalement vers l’hypertype. On pense aux bouledogues anglais (interdits d’élevage en Norvège), dont le crâne est désormais si gros qu’ils ne peuvent plus naître que par césarienne.
Comment est- ce arrivé ?
Parce que l’on a collectivement dérapé : adoptants – la demande crée l’offre –, éleveurs, juges de concours canins ou félins, médias (presse, cinéma, publicité) friands de sensationnel. La quête du « toujours plus » (toujours plus grand ou plus petit, toujours plus de poils, toujours moins de museau…) qui mène le marché des animaux de compagnie a fait son oeuvre. Sans considération aucune pour leur santé.
Illustration avec le persan peke face, dont l’écrasement de la face, via des croisements choisis, a été travaillé au point qu’il est incapable de respirer ou de manger normalement. Les cas sont légion : berger allemand au bassin qui s’affaisse inexorablement ; Cavalier King Char
les dont la boîte crânienne, modifiée génération après génération, écrase la moelle épinière ; Shar- peï victime de son excès de peau qui cumule problèmes cutanés, oculaires, respi
ratoires, masticatoires.
Des choix qui se paient cher
Déjà dans les années 1960, l’Association mondiale des vétérinaires spécialistes des petits animaux mettait en garde : les altérations de l’anatomie chez les individus hypertypés causent des dysfonctionnements qui les handicapent à vie. Avec ce que cela implique. Des frais vétérinaires à rallonge bien sûr. Des abandons lorsqu’on ne peut plus assumer ces frais. Mais aussi et surtout de la douleur de part et d’autre.
Selon une récente étude du Royal Veterinary College, un bouledogue anglais ou français, un carlin vivraient considérablement moins longtemps que la moyenne canine (4,5 ans pour le bouledogue français).
Races expérimentales
On continue pourtant à créer des races toujours plus « originales ». Par exemple, en sélectionnant génétiquement des anomalies physiques liées à de graves maladies. On citera le munchkin et le bambino (« chats teckels » affligés de nanisme) ou encore le scottich fold avec ses petites oreilles repliées : une « coquetterie » (en réalité un problème de cartilages), associée au gène Fold, responsable de l’ostéochondrodysplasie (maladie qui attaque les os et les articulations).