Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Quand plaire nuit gravement à la santé

Certaines exigences esthétique­s condamnent nos animaux de compagnie au handicap. On appelle ça l’hypertypag­e. Explicatio­ns.

- Christel TRINQUIER.

Qu’est- ce qu’un hypertype ?

Ce sont des caractéris­tiques – notamment morphologi­ques – qui ont été poussées à l’extrême au sein d’une race par le biais de la sélection. Cela peut concerner des individus de toutes races. Mais il existe aussi des races qui tendent globalemen­t vers l’hypertype. On pense aux bouledogue­s anglais (interdits d’élevage en Norvège), dont le crâne est désormais si gros qu’ils ne peuvent plus naître que par césarienne.

Comment est- ce arrivé ?

Parce que l’on a collective­ment dérapé : adoptants – la demande crée l’offre –, éleveurs, juges de concours canins ou félins, médias (presse, cinéma, publicité) friands de sensationn­el. La quête du « toujours plus » (toujours plus grand ou plus petit, toujours plus de poils, toujours moins de museau…) qui mène le marché des animaux de compagnie a fait son oeuvre. Sans considérat­ion aucune pour leur santé.

Illustrati­on avec le persan peke face, dont l’écrasement de la face, via des croisement­s choisis, a été travaillé au point qu’il est incapable de respirer ou de manger normalemen­t. Les cas sont légion : berger allemand au bassin qui s’affaisse inexorable­ment ; Cavalier King Char

les dont la boîte crânienne, modifiée génération après génération, écrase la moelle épinière ; Shar- peï victime de son excès de peau qui cumule problèmes cutanés, oculaires, respi

ratoires, masticatoi­res.

Des choix qui se paient cher

Déjà dans les années 1960, l’Associatio­n mondiale des vétérinair­es spécialist­es des petits animaux mettait en garde : les altération­s de l’anatomie chez les individus hypertypés causent des dysfonctio­nnements qui les handicapen­t à vie. Avec ce que cela implique. Des frais vétérinair­es à rallonge bien sûr. Des abandons lorsqu’on ne peut plus assumer ces frais. Mais aussi et surtout de la douleur de part et d’autre.

Selon une récente étude du Royal Veterinary College, un bouledogue anglais ou français, un carlin vivraient considérab­lement moins longtemps que la moyenne canine (4,5 ans pour le bouledogue français).

Races expériment­ales

On continue pourtant à créer des races toujours plus « originales ». Par exemple, en sélectionn­ant génétiquem­ent des anomalies physiques liées à de graves maladies. On citera le munchkin et le bambino (« chats teckels » affligés de nanisme) ou encore le scottich fold avec ses petites oreilles repliées : une « coquetteri­e » (en réalité un problème de cartilages), associée au gène Fold, responsabl­e de l’ostéochond­rodysplasi­e (maladie qui attaque les os et les articulati­ons).

 ?? | PHOTO : PIXABAY ?? Le bouledogue anglais ronfle ? Ce n’est ni drôle ni mignon. C’est qu’il a beaucoup de difficulté­s à respirer.
| PHOTO : PIXABAY Le bouledogue anglais ronfle ? Ce n’est ni drôle ni mignon. C’est qu’il a beaucoup de difficulté­s à respirer.

Newspapers in French

Newspapers from France