Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Mayotte craint les bulldozers et les délinquant­s

L’opération Wuambushu a été lancée il y a une semaine pour détruire les quartiers insalubres. Les habitants de ces bidonville­s vivent dans l’incertitud­e et la peur des représaill­es des délinquant­s.

- Axel NODINOT.

Un dédale de chemins de terre orange, séparant des milliers de petites baraques en tôle ondulée, tel est le paysage des hauts de Kawéni, au nord de la commune de Mamoudzou, à Mayotte. Ce bidonville gris, bleu ou rouille grignotant au fil des ans le vert émeraude de la forêt tropicale serait le plus grand de France.

Il est l’une des cibles de l’opération Wuambushu, débutée le week- end dernier et ne visant pour le moment que des petits ensembles de logements illégaux.

Mais Karima, jeune étudiante française du coin, sait que les bulldozers ne tarderont pas à venir. « Ils ne parlent que des Comoriens qui doivent partir, mais nous, comment on va faire ? », s’interroge la jeune femme. Ses parents, tous deux originaire­s de l’île comorienne d’Anjouan, n’ont en effet « pas les moyens de payer un loyer d’une maison en dur », et ne croient pas que la préfecture leur proposera une solution de relogement. Ils ont demandé à sa tante de les héberger quelque temps. « Elle habite aussi à Kawéni, mais on ne pourra pas y rester longtemps, continue

Karima. Je stresse pour mes études. »

Autre facteur d’inquiétude : les bandes de jeunes qui terrorisen­t les habitants de Mayotte depuis plusieurs années, et qui n’hésitent pas à se confronter aux forces de l’ordre. Lundi, ces délinquant­s s’en sont pris à des civils, des chantiers et aux forces de l’ordre à Tsoundzou et à Majicavo Koropa.

Surnommé La Vigie, le bidonville surplomban­t les communes de Labattoir et Pamandzi, sur l’île de Petite-Terre, a déjà été le théâtre d’agressions extrêmemen­t violentes. Il devrait lui aussi avoir droit à son « décasage » dans les prochaines semaines.

« Nous aussi, on est agressés »

Haïria, Comorienne en situation irrégulièr­e d’une soixantain­e d’années et vivant dans le quartier depuis plusieurs décennies, appelle les Mahorais à ne pas mettre tous les habitants des cases en tôle dans le même sac.

« En venant ici, on aspirait juste à une vie meilleure. On a travaillé, mon mari et moi, et nos enfants ont étudié à Mayotte, explique-t- elle. Mais à cause des petits cons qui ne respectent rien ni personne, nous sommes vus comme un problème. Nous aussi, on est cambriolés et agressés ! »

Vendredi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a affirmé qu’il n’y avait « pas de date » de fin de l’opération Wuambushu. Celle- ci « continuera le temps qu’il faudra » pour que « Mayotte redevienne une île normale, classique et magnifique ».

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| PHOTO : AXEL NODINOT, OUEST-FRANCE Le bidonville de Kawéni, au nord de Mamoudzou.
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