Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)

Bruno Le Maire, ministre et romancier mélomane

Dans Fugue américaine, le ministre de l’Économie nous plonge dans la vie du pianiste Vladimir Horowitz. Face aux critiques, le politique défend sa passion pour l’écriture, une activité refuge.

- Patrice MOYON.

Un quinquenna­t d’écriture. Et à l’arrivée un concerto de critiques sans même que ses opposants aient pris le temps de lire son dernier roman Fugue américaine (Gallimard). Est- ce à cela que pense Bruno Le Maire en quittant Bercy et en traversant le boulevard pour un rendez-vous littéraire dans l’hôtel situé en face ? Une parenthèse dans un emploi du temps sans pitié. Le vent fouette le visage. Paris fait grise mine. Le portier ne l’a même pas reconnu.

« Une discipline, tôt le matin, tard le soir »

L’écrivain a les traits tirés. La première question remue le couteau dans la plaie. Évidente. Mais elle l’agace. Quand un ministre trouve-t-il le temps d’écrire des livres avec une régularité de métronome ? « Est- ce que vous me poseriez la question si je faisais du sport ? » glisse- t- il, piqué au vif. Écrire est pour Bruno Le Maire « une discipline, tôt le matin, tard le soir, mais aussi pendant les vacances ». Une passion presque aussi dévorante que la musique.

Ce n’est pas un livre de circonstan­ce mais « un récit sur la fragilité et les failles, explique- t- il. J’ai mis en parallèle, comme dans une fugue, deux lignes musicales et deux lignes de vie : celle du pianiste Vladimir Horowitz en proie à plusieurs cycles de dépression mais qui, à chaque fois, s’est relevé ; et celle du personnage principal, Franz Wertheimer, qui se destine lui aussi à la musique. Il y a dans ce croisement une interrogat­ion sur ce qui fait qu’on tient ou qu’on tombe. »

Fugue américaine est aussi la saga d’un siècle de tragédie, le XXe siècle, et une méditation sur la culture européenne, la liberté et l’exil. Après Musique absolue, une répétition avec Carlos Kleiber (Gallimard) publié il y a une dizaine d’années, Bruno Le Maire poursuit sa réflexion sur la place de la musique dans la culture européenne. « Il y a, dans cette traversée du siècle, une réaffirmat­ion de ce que sont les valeurs occidental­es. »

Est- ce de lui dont il parle quand il écrit : « Les politiques se bercent d’illusions. Leur métier consiste à voler d’une illusion à l’autre » ? L’écrivain s’en défend. « C’est la liberté du roman de contester les choix qu’on a pu faire soi-même. Cela permet de regarder sa propre vie sous un autre angle. »

Dans une actualité qui ressemble souvent à un piano désaccordé, la musique des mots est une respiratio­n, une façon d’échapper aux pesanteurs d’un agenda surchargé. « Vous ne savez jamais où l’écriture vous mène. » Et elle reste une échappée belle. « L’écriture et la lecture permettent de préserver une liberté intérieure. »

Mélomane et romancier, Bruno Le Maire est aussi un lecteur assidu. Un conseil ? « Oui, Les Éclats de Bret Easton Ellis, remarquabl­e. »

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| PHOTO : ARCHIVES MARC OLLIVIER, OUEST-FRANCE Bruno Le Maire : « L’écriture et la lecture permettent de préserver une liberté intérieure. »

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