Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Trésor du breton écrit
1er mai : proleter, labourer (prolétaire, travailleur) : le vocabulaire social breton évolue avec la société.
C’est en 1848 que Karl Marx conclut son Manifeste du parti communiste par sa célèbre formule : Proleterien an holl vroioù, en em unanit (Prolétaires de tous les pays, unissez vous !) . Le mot prolétaire est déjà connu dans le dictionnaire breton de Le Gonidec. Il a le sens qu’il avait dans l’Empire Romain, celui de citoyen de seconde classe : Ar re n’int mat nemet evit genel, evit speriañ, evit engehentañ (Ceux qui ne sont bons qu’à enfanter, à se reproduire et à engendrer).
Le sens moderne que lui donne Karl Marx ne fait pas florès parmi les écrivains bretonnants.
Ils préfèrent utiliser des mots compréhensibles par tous. Dans l’Internationale (An Etrevroadel) traduite en 1896, on trouve les mots micherourien (ouvriers), labourerien ( travailleurs), et pour définir leur condition sociale de l’époque : mevelien (domestiques), paour kaezh den (pauvres gens), tud didalvez (gens sans valeur). En 1906, Le Courrier du Finistère évoque la revendication du 1er mai : Micherourien ar c’hêrioù o- deus klasket berraat o devezh labour eus div eur bemdeiz : chomet int berr dre ma felle dezho ober re vras lamm en un taol… Gwashañ ‘zo evito, krediñ a reont re vuan ar sotañ sorc’hennoù a gar doktored an dispac’h dibunañ dezho (Les ouvriers des villes ont cherché à diminuer leur temps de travail de deux heures par jour. Ils n’ont pas réussi car ils sont allés trop loin. Le pire c’est qu’ils croient trop vite aux pires sottises que les docteurs de la révolution leur racontent).
Le mot prolétaire est défini comme den didra, den divadoù (homme sans rien, homme sans bien) dans le dictionnaire Vallée en 1930. Mais il n’est guère employé. Le journal War sao (Debout) du communiste Marcel Cachin ne l’utilise pas ; par contre le mot marxiste est utilisé pour la première fois (ar varksisted).
Il faut attendre 1968 pour que le Manifesto ar strollad komunour (Manifeste du parti communiste) soit traduit en breton par Francis Favereau puis en 1978 par Alan ar Berr aux éditions Preder. Récemment une Istor Bihan Karl Marx (Petite histoire de Karl Marx) vient d’être publiée. On y enterre le mot prolétaire : An hini enfredet a veze anvet gwezhall micherour pe proletour hag hiziv an deiz e reer gant labourer pe implijad. (Le salarié était appelé ouvrier ou prolétaire et aujourd’hui on utilise travailleur ou employé). Ainsi va le monde du travail !