Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
Grippe aviaire, eau, retraites… il y a « urgence »
L’entretien du dimanche. Jonathan Chabert est paysan maraîcher à Plédéliac depuis dix ans. Il est porte-parole de la Confédération paysanne du département. Échange autour de sujets « urgents ».
Jonathan Chabert, maraîcher et cultivateur de légumes en agriculture biologique, à Plédéliac.
La réforme des retraites est au coeur des débats. C’est une préoccupation pour vous aussi ? Oui bien sûr. Il n’y a pas de raison qu’on ait une retraite de misère après une vie de galère. Les retraites moyennes dans le domaine agricole se situent entre 600 et 800 €. Sans oublier les femmes, souvent pénalisées.
C’est une réelle préoccupation pour ceux qui vont partir à la retraite, c’est-à- dire la moitié des paysans des Côtes- d’Armor dans les cinq à dix ans à venir. Et pour les générations futures. On peut trouver des fonds ailleurs.
Justement, quelle est la solution ?
Il y a notamment la revalorisation des retraites agricoles actuelles à hauteur du Smic. En taxant à 0,05 % les transactions financières, cela suffirait pour compenser. D’autant qu’il y aurait un effet immédiat. Il s’agit d’une urgence.
Parmi les urgences du moment, il y a aussi les producteurs touchés par la grippe aviaire...
Oui. Il y a une trentaine de dossiers qui sont actuellement dans les tuyaux de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Et concernant les demandes d’indemnisations, certains attendent toujours. Sauf que cela engendre des pertes de revenus. Il y a une urgence vitale pour ces producteurs, qu’ils soient en conventionnel ou en bio. Les services publics sont totalement débordés. On paye le prix de la déconstruction de l’État et de l’appauvrissement de ses services dans l’incapacité d’encaisser les crises, car ils sont noyés. C’est bloqué au niveau national, notamment de l’organisme FranceAgriMer.
Et cela se répète ?
On est au septième « épisode » de grippe aviaire et ce sont les mêmes réponses qui sont apportées, avec des échecs à chaque fois. La claustration, on voit que cela ne marche pas, la gestion d’abattage massif et systématique non plus… Quand on a un élevage impacté, oui, il faut l’abattre. Mais il est aussi important de se diriger vers davantage de petits élevages mieux répartis dans le territoire, de travailler avec des races locales d’animaux, l’agroforesterie… autant de solutions pour diluer et freiner un impact parasitaire.
Comment se porte l’agriculture biologique en ce moment ? L’agriculture biologique est en grande crise. Il y a une nécessité à proposer des aides d’urgence, pour pallier les pertes de revenus et avoir des solutions pérennes de sortie de crise. Parmi elles, il y a la loi EGAlim, qui fixe l’alimentation bio dans la restauration collective à 20 %. Mais les statistiques actuelles montrent qu’elle ne représente que 6 %. C’est une obligation qui n’est pas dotée de moyens économiques, pour faire en sorte que les restaurations collectives puissent passer des commandes.
Quand on pense à l’avenir de l’agriculture, on pense biensûr à la gestion de l’eau…
Dans certains départements, les installations agricoles ne sont plus autorisées, car il n’y a plus assez d’eau. On n’est pas encore dans cette situation dans les Côtes- d’Armor, mais il faut s’attendre à avoir moins d’eau. Comment fait- on pour anticiper ? On ne peut pas avoir une même stratégie dans toutes les régions. Il y a une nécessité, pour avoir une réponse structurelle, d’organiser des assises régionales. La réponse pour la Bretagne ne sera pas celle qui correspond à la Nouvelle Aquitaine.
Il faut réfléchir à la résilience des systèmes, à l’autonomie de ces derniers, à leur complexité… Et prendre en compte le fait que le premier endroit pour stocker l’eau, c’est dans le sol. Pour améliorer cela, il faut continuer de déployer les mesures agroenvironnementales bocagères, herbagères, l’agroforesterie… L’effet est immédiat.
Et pour terminer sur un point positif...
Heureusement, je connais des paysans et des paysannes qui vont bien, et qui, malgré l’inflation, sont bien dans leur peau. Dans le marasme actuel, le collectif prend le dessus sur l’individuel. L’entraide sous toutes les formes se multiplie. Il y a une coopération et du dialogue entre les gens.