Dimanche Ouest France (Côtes-d'Armor)
« L’envie peut faire de nombreux dégâts »
Psycho. Dans une société où tout pousse à la comparaison sociale, chacun peut succomber à cette passion honteuse qu’est l’envie. Au risque parfois de se perdre dans les désirs des autres.
Raphaëlle Laubie, directrice générale du groupe de réflexion Le Cercle du leadership et professeure affiliée à l’ESCP Business school (1).
Comment définir l’envie ?
L’envie est cette émotion douloureuse éprouvée lorsque l’on ressent un manque accompagné d’un sentiment d’infériorité, qui vient d’une comparaison sociale par rapport à des qualités, des réalisations ou encore des possessions d’une autre personne.
Émotion qui peut être surmontée positivement ou négativement… Pour certains, l’envie est énergisante. Pour d’autres, elle peut être source de souffrance, car écrasante. Certains pays ont deux termes pour désigner l’envie. En Russie, il y a l’envie blanche et l’envie noire. Dans le livre, on parle d’envie maligne et bénigne.
Quelle différence avec la jalousie ? On confond très souvent les deux. Mais dans la jalousie, il y a un trio d’acteurs. Dans le cadre d’une rivalité amoureuse, il y a soi, le ou la partenaire et l’autre par exemple. Dans l’envie, on est seul face à l’envié. Autre distinction : la jalousie est une résistance à la perte. On possède quelque chose et on devient jaloux parce qu’on risque de le perdre. L’envieux, lui, ne possède pas et estime que cette situation n’est pas juste face à l’envié. En ce sens, la jalousie est plus légitime que l’envie.
Ce qui explique le tabou qui l’entoure ?
Contrairement aux autres péchés capitaux, l’envie ne provoque pas de plaisir. C’est un sentiment honteux, qui peut faire de nombreux dégâts, car on peut s’enfermer dans une spirale toxique.
Les réseaux sociaux, en permettant une comparaison sociale permanente, n’aident pas…
Attention à l’envie qui provoque un désir mimétique. L’écueil très courant, c’est vouloir ce que l’autre a, sans comprendre que ce n’est pas ce que l’on souhaite. Lorsque l’on est exposé à ce qu’a l’autre, qui l’exhibe, outrancièrement parfois en ligne, on peut se faire piéger si l’on n’a pas la maturité de comprendre ses propres désirs.
Comment passer de l’action d’envier à celle d’avoir envie ?
Il ne faut pas se laisser gagner par les émotions négatives, mais faire un travail sur l’estime de soi et se détacher d’un objectif qui n’est peut- être pas le bon… Une manière saine de réagir est de reconnaître le chemin parcouru. Il ne s’agit pas forcément d’arrêter de se comparer, puisque la comparaison peut être utile au dépassement de soi. D’autant que l’envié peut devenir un modèle, voire un allié qui offrira l’opportunité de progresser. (1) Coautrice de l’ouvrage collectif Envier ou avoir envie (24 €, Eyrolles).